Les directeurs de publication - Hugues Cayzac

Quand je suis arrivé au Collectif fin 1981, Solidarité Guatemala était une feuille, un tract recto-verso avec un discours général sur la situation au Guatemala.

Le premier grand changement a été la décision en 1982 de faire ce qu’on appelait un bulletin. A la différence de la vision qu’en avaient les exilés guatémaltèques, liés à l’Armée de guérilla des pauvres (EGP), qui ont créé le Collectif, à partir de 1982, des Français décident d’apporter en priorité leur soutien à l’Unité révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG) avec, et c’est la grande nouveauté, « un appui non inconditionnel ».

Fort de l’affirmation de son autonomie, il fallait que le Collectif Guatemala démontre la justesse de son point de vue qui refusait l’amalgame entre propagande et analyse. Avec les années, le bulletin mensuel - qui rassemblait en 32 pages un certain nombre de rubriques allant de l’actualité guatémaltèque aux nouvelles du front en passant par des articles culturels avec chaque fois un dossier thématique - deviendra une véritable revue avec des signatures invitées « de prestige » parce que nous avions également le souci de l’institutionnalisation du Collectif. Il fallait faire sérieux, il fallait être exigeant sur le contenu et sur la forme. Nous étions fatigués du bricolage. En même temps, nous refusions l’idée de financements externes à l’association et de permanents, de membres salariés. Cela signifiait que chaque numéro était un effort extraordinaire pour chacune et chacun, qui pouvait aller de la coordination de l’élaboration de l’ensemble d’un numéro jusqu’à la mise sous enveloppe et le compostage.

Evidemment, à un moment, il n’était plus possible de nier l’évidence : bien que le Collectif Guatemala ait effectivement gagné de la crédibilité grâce à sa revue, l’instrument ne correspondait pas à la nouvelle période. Il était clair que le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) salvadorien ne gagnerait jamais et l’URNG encore moins. Comme la victoire n’était plus pour hier, il fallait s’installer dans le temps, mettre en place des réseaux et développer la base du Collectif lui-même. Les statistiques d’envois de Solidarité Guatemala montraient une disproportion entre les envois gratuits (et souvent internationaux) et les envois à des abonnés payants (le plus souvent en France). Le Collectif ne pouvait plus continuer d’être un petit comité d’activistes, où comparer les résultats du travail du groupe avec les sacrifices de chacune et chacun devenait de plus en plus douloureux et posait la question de la capacité qu’aurait l’association à survivre dans le futur.

Il était temps de donner au Collectif une identité réelle d’association, avec son réseau d’adhérents qui lui permettrait d’avoir une assise minimale et un fonctionnement plus souple et plus rationnel. Quand nous avons conçu la Lettre à l’adhérent, tout
le monde avait en tête l’idée que le défi était comment faire le mieux possible mais avec le minimum d’efforts, pour dire ça comme ça. Et les nouveaux outils informatiques devaient nous y aider. On conservait la revue Solidarité Guatemala comme outil de réflexion, y compris sur des thèmes plus amples et plus internationaux, mais avec une périodicité trimestrielle. De fait, le manque de financement provoquera son arrêt. Mais je crois aussi que l’heure n’était plus à ce genre de revue qui finalement correspondait davantage à l’outil analytique d’un institut ou d’une fondation qu’un comité de solidarité internationale.

C’est ce que confirmera l’orientation que prendra le Collectif au début des années 90 avec sa décision d’être sur place à travers l’accompagnement aux réfugiés de retour au pays, les Communautés de population en résistance (CPR), les organisations de droits de l’homme, organisations paysannes et syndicats urbains, etc. Le conflit armé interne allait sur sa fin, les Accords de paix se signaient, personne ne présageait que les organisations membres de l’URNG auraient la capacité à monter un parti politique unifié en temps de paix. A quoi pouvait bien servir une revue de réflexion dans ce contexte ? La Lettre à l’adhérent s’avérait avoir été un bon choix, qui relaierait en France les initiatives de membres de l’association sur place.

Jusqu’à ce que je quitte le Collectif en 1997, je me souviens qu’il y a toujours eu le désir que Solidarité Guatemala et ensuite la Lettre à l’adhérent reflètent des convergences de points de vue et d’activités du Collectif avec les comités de solidarité de province et ensuite d’autres acteurs du tissu associatif français, pas seulement géographiques mais aussi thématiques. Nous y parvenions difficilement parce que dans la réalité, l’association avait peu de ressources pour assumer cette projection.

Tout ça, c’était il y a bien longtemps en fait, mais en y repensant il y a des petits moments qui font sourire comme lorsque qu’un vieil exilé guatémaltèque nous a confié des photos originales pour le bulletin qui commémorait le coup d’Etat de 1954, cela devait donc être en 1984 … Ou ce que j’appelais la guerre des photocopies. Pour rédiger leurs articles, les uns et les autres avaient besoin d’information, bien sûr. Nous photocopions ce qui arrivait au Collectif dans notre boulot respectif, en cachette. Et il y avait des tonnes de docs à photocopier parce qu’il ne s’agissait pas qu’il y ait rétention d’information ! Je crois que personne ne s’est jamais fait attrapé. Et si c’est le cas, elle ou il a préféré ne pas le raconter aux autres ! Ce que je veux dire, c’est que cela faisait toujours plaisir à voir, cette satisfaction collective quand on ramenait un nouveau numéro de Solidarité Guatemala ou de la Lettre à l’adhérent fraîchement imprimé. Au point que je crois que la critique, à ce moment précis, n’était plus admise !

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