Traduction de l’article du blog d’ACOGUATE
Aujourd’hui commence l’audience de présentation de preuves dans l’affaire de génocide et crimes contre l’humanité à l’encontre de José Efraín Ríos Montt y José Mauricio Rodríguez Sánchez. Ceci arrive 18 mois après la première capture dans l’affaire et dix ans après la présentation de la première plainte par l’Association pour la Justice et la Réconciliation (AJR), accompagné par le comité d’accompagnement international ACOGUATE dont le Collectif Guatemala fait parti, depuis 2000. La défense a présenté plus de 75 recours légaux dont plusieurs récusations contre les deux juges du tribunal d’instance de Haut Risque. Le lundi 28 janvier, le juge Miguel Ángel Gálvez a ordonné l’ouverture d’un procès oral et public, le premier cas pour génocide en Amérique latine à être jugé dans une cour nationale.
Jusqu’à aujourd’hui quatre anciens généraux du gouvernement de facto de Ríos Montt ont été accusés dans l’affaire :
- Héctor Mario López Fuentes, ancien sous-chef de l’état-major de la défense, capturé en juin 2011
- Óscar Humberto Mejía Víctores, ancien ministre de la défense, capturé en octobre 2011
- José Mauricio Rodríguez Sánchez, ancien directeur des renseignements militaires, capturé en octobre 2011
- José Efraín Ríos Montt, président de facto du Guatemala (1982–83) et ancien chef de l’état-major de la défense, dont l’audience de première déclaration a eu lieu en janvier 2012
Dans l’affaire contre Mejía Víctores, la persécution pénale a été suspendue à cause de son état de santé. Le procès à l’encontre de López Fuentes est en attente des résultats d’expertises médicales.
Audience d’ouverture de procès
Pendant deux heures, le juge Miguel Ángel Gálvez a justifié sa décision d’ouvrir un procès oral et public dans l’affaire de Ríos Montt et Rodríguez Sánchez, il a tout d’abord reconnu le fondement des preuves versées au dossier par le Ministère Public. Puis il a cité la Convention de Genève, ratifiée par le Guatemala, et la définition de droit international humanitaire, ainsi que celles de génocide et de crimes de guerre dans un contexte de conflit armé interne. Concernant la chaîne de commandement militaire : « Commander est synonyme d’autorité. Une personne qui commande sur une autre est responsable des actions commises, c’est ce qui découle de l’analyse de la hiérarchie. » (cité par El Periodico)
La nouvelle a été accueillie positivement par les organisations de droits humains. Elle a également bénéficié d’une importante couverture des médias hispanophones et anglophones(1). Mais il est à signaler que de nombreuses tribunes et colonnes d’opinion de certains quotidiens nationaux ont qualifié l’affaire de génocide de « cirque », discréditant le système juridique guatémaltèque(2).
Qu’est ce que le génocide ?
Selon l’article 2 de la Convention pour la prévention et répression du crime de génocide, adoptée par les Nations Unies en 1948 et ratifiée par le Guatemala en 1949,
« Le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »
Le Code Pénal du Guatemala, définit le génocide à l’article 376.
Stigmatisation et intimidations des défenseur(e)s des droits humains
Pendant le conflit armé interne au Guatemala, des secteurs entiers de la population ont été stigmatisés et catalogués comme guérilleros ou communistes, selon leurs origines géographique ou leurs activités politiques (dirigeants étudiant, syndicalistes, etc.). Selon l’Unité de Protection aux Défenseur(e)s des Droits Humains (UDEFEGUA), la stigmatisation précédait, à l’époque, la persécution, la détention et l’exécution extrajudiciaire(3).
Un représentant de l’Association pour la Justice et la Réconciliation (AJR) exprimait sa préoccupation concernant cette dynamique : « Ils disent qu’il n’y pas eu de génocide, que ces défenseurs des droits humains qui se lèvent sont des guérilleros, des communistes, et un tas d’autres choses… Ils ont recommencé à persécuter les communautés et les organisations de droits humains en les accusant publiquement de terroristes. »(4).
Au cours des audiences de cette affaire, ACOGUATE a observé des intimidations envers les personnes accompagnées et également envers les observateurs internationaux.
1. Voir par exemple : « Guatemalan former dictator to stand trial », The Guardian, 29 janvier 2013 ; « Ex-Dictator Is Ordered to Trial in Guatemalan War Crimes Case ». New York Times, 28 janvier 2013 ; « La Justicia de Guatemala ordena enjuiciar a Ríos Montt por genocidio », El País, 28 janvier 2013 ; « Un génocide en procès au Guatemala », Le Figaro, 30 janvier 2013 ; « Guatemalas Ex-Diktator Ríos Montt wird der Prozess gemacht », Stern, 28 janvier 2013.
2. « Comentarios », Raúl Minondo Ayau. El Periódico, 30 janvier 2013 ; « ¿Doscientos mil muertos ? », Ramón Parellada. Siglo 21, 31 janvier 2013. ; « Ríos de Montt-aje feos », Alfred Kaltschmitt. Prensa Libre, 25 janvier 2013.
3. Protection Internationale/UDEFEGUA (2009), Guía para Defensoras y Defensores de Derechos Humanos ante la Criminalización.
4. Membre de l’AJR, entretien ACOGUATE / AJR, décembre 2011.