Santa María Nebaj, 18 avril 2016
Les organisations de la société civile de la région ixil
A la population survivante du conflit armé interne
En 2013, le Tribunal A de haut risque de Guatemala a connu l’affaire de génocide contre le peuple ixil, dans lequel étaient inculpés l’ex-général Efraín Ríos Montt et son ancien chef des renseignements militaires, José Mauricio Rodríguez Sánchez, pour l’assassinat de 1771 personnes - hommes, femmes et enfants – et qui s’est conclu par la condamnation de l’ex-général le 10 mai 2013. Par la suite, une résolution de trois juges de la Cour de constitutionnalité a annulé une partie du jugement, ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas eu de génocide dans la région.
En effet, le tribunal a repris le processus au début de cette année et a décidé d’entendre de nouveau les témoins de l’affaire, ce qui signifie la poursuite du procès. Les 19,20 et 21 avril, le Tribunal B de haut risque se déplacera dans la municipalité de Nebaj pour entendre de nouveau la voix des survivantes et survivants des politiques génocidaires de « terre brûlée » appliquées entre 1982 et 1983, quand s’est produite la majorité des massacres et actes de violence contre le peuple maya ixil de cette région.
Nous n’oublions pas que la plus grande partie des massacres recensés par le rapport REHMI correspondent au département du Quiché, où il y en a eu plus de 200 contre la population civile. Entre 1982 et 1983 ont été enregistrés plus de 90 massacres dans les seules municipalités de Santa María Nebaj, San Gaspar Chajul et San Juan Cotzal (source : REHMI). Les assassinats collectifs ont toujours été associés à la destruction des communautés.
Malgré toutes les persécutions dont a été victime le peuple ixil et les peuples mayas en général, personne n’a pu nous détruire et effacer notre culture. Durant plusieurs années nous avons survécu en défendant la vie, c’est pourquoi nous sommes les graines, et nous continuons à vivre en luttant pour la vie et pour nos droits.
Nous reconnaissons comme étant un fait historique la présence d’un tribunal de haut risque dans la région ixil, comme un signe de respect pour les témoins les plus vieux et/ou malades qui vont témoigner pendant ces trois jours. De plus, cet événement permet que la population, et plus particulièrement les survivant-es du conflit armé interne - hommes, femmes, enfants, personnes âgées – puissent réellement et massivement être acteurs de ce moment paradigmatique pour la région et le pays, dans l’objectif d’accompagner les témoins dans le processus et de sensibiliser la jeunesse sur l’importance de la mémoire historique.
Nous croyons que c’est une opportunité historique pour le peuple ixil d’être écouté par un tribunal dans la municipalité même où des milliers de personnes ont perdu la vie, ont été victimes de disparition forcée, torture, déplacement forcé, concentration de population dans des villages modèles. Les mécanismes de terreur ont affecté de façon spécifique les femmes et les femmes âgées, en utilisant la violence sexuelle, la torture et l’esclavage sexuel comme stratégie militaire. Des femmes enceintes, des adolescentes, des filles et des femmes âgées ont été massacrées.
Nous savons ce que signifie pour les témoins et la population survivante en général se souvenir de nouveau des faits et de raconter encore une fois ce qu’ils sont subi et vécu durant le conflit armé interne. C’est pour cela que nous allons accompagner les familles des survivants au cours des trois jours que durera le procès, en tant qu’organisations sociales et individus, en réalisant différentes activités culturelles et artistiques. C’est pourquoi nous souhaitons inviter la population en général à se rapprocher et à nous accompagner dans le rassemblement pacifique que nous allons réaliser devant le Ministère public de Nebaj les 19,20 et 21 avril à partir de huit heures du matin, parallèlement aux sessions du procès.
Nous allons mener ces activités tous et toutes ensemble pour rendre hommage et nous souvenir de chacun et chacune de nos êtres aimés qui ont été victimes des politiques génocidaires et qui continuent à vivre à nos côtés.
Notre présence est importante pour l’accompagnement des familles des témoins, pour leur donner tout notre courage et notre force, pour qu’elles ne se sentent pas seules. Car nous sommes, nous aussi, fils et filles, petits-fils et petites-filles, survivants du génocide et nous exigeons pour cela justice pour les crimes commis.
ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE RÉGION IXIL ET CONSEIL DES AUTORITÉS AUTOCHTONES – B’oq’ol Q’esal Tenam du peuple ixil - Santa María Nebaj, San Gaspar Chajul, San Juan Cotzal.
ACOPDRI
ADEN
AJ KEMAB’
AJR
ASOCDNEB
ASOMOVIDINQ
ASOQ’ANIL
B’OQ’OL IXOJ VAXIL B’ATZ
CALDH
ECAP
FUNDAMAYA
LA VOZ DE LA RESISTENCIA
LIGA DE HIGIENE MENTAL
MEMORIA HISTORICA
RED DE MUJERES IXILES
UDEFEGUA
ET AUTRES.