Cas Sepur Zarco : un procès à l’horizon 2016 ?

En septembre 2011, l’Alliance rompre le silence et l’impunité, composée de l’Equipe d’études communautaires et d’action psychosociale (ECAP) Mujeres Transformando el Mundo (MTM) et l’Union nationale des femmes guatémaltèques (UNAMG), présentait une plainte pour violence sexuelle commise contre des femmes mayas q’eqchi’es sur la base militaire de Sepur Zarco lors du conflit armé interne. Presque quatre ans plus tard, le cas connait une avancée significative.

"Notre regard est fixé sur la Justice", manifestation du 25 novembre 2012 à l’occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes (photo : Plaza Pública)

Le lundi 22 juin 2015, le juge du Tribunal de haut risque B, Miguel Ángel Gálvez, a accepté les preuves présentées dans le cadre du procès pour esclavage et violences sexuels Sepur Zarco. Il a remis le cas au Tribunal de sentences de haut risque A. La juge Yassmín Barrios sera désormais chargée d’initier le débat oral et public à une date ultérieure qui reste encore à définir mais qui sera, selon toutes probabilités, pour mars 2016.

Cette dernière audience de présentation des preuves était initialement prévue pour le 29 octobre 2014. Dans un article de novembre 2014 (1) , nous vous expliquions déjà que quinze femmes et quatre hommes donnèrent leur déclaration en tant que preuves anticipées au tribunal entre le 24 et le 29 septembre 2012. L’étape intermédiaire d’audience s’était achevée le 14 octobre 2014 par une décision du juge Miguel Ángel Gálvez de juger les deux accusés, l’ancien militaire responsable du détachement militaire Sepur Zarco Esteelmer Francisco Reyes Girón et l’ancien mandataire militaire Heriberto Valdez Asij. Reyes Girón est jugé pour crime contre l’humanité sous forme de violence sexuelle et esclavagisme domestique, traitements cruels et inhumains et assassinat. Valdez Asij est lui jugé pour des faits de disparitions forcées et crimes contre l’humanité sous forme de violence sexuelle.

Interrogée sur les raisons d’un tel retard dans le processus de justice, une des avocates de l’affaire explique que la défense a mené ces derniers mois toute une stratégie de blocage. D’abord avec le dépôt d’un « amparo » (2) contre la décision du juge Gálvez qu’il existe des preuves suffisantes pour juger les deux accusés, puis avec la récusation du juge lui-même. Malgré ces tentatives, le Ministère public a finalement pu présenter les 500 preuves écrites, 27 experts et 34 témoins avec lesquels il a l’intention de faire prononcer la condamnation, par une cour nationale guatémaltèque, de faits de violence sexuelle commis lors du conflit armé interne.

Suite à l’annonce du transfert du cas au Tribunal de haut risque A et donc à la juge Barrios, les femmes et avocates de l’association Mujeres transformando el Mundo, se disent soulagées et heureuses de la conclusion de cette première étape du processus juridique entrepris il y a maintenant quatre ans. Bien qu’il reste encore un long chemin à parcourir pour que justice soit enfin rendue aux victimes de Sepur Zarco, c’est bel et bien une victoire pour les femmes de l’Alliance rompre le silence et l’impunité, pour toutes celles victimes de violences sexuelles lors du conflit armé mais aussi pour toutes les femmes du Guatemala. Dans ce pays, deux femmes sont assassinées chaque jour (3) , la banalisation de cette violence contre la gent féminine trouve sa source principale dans l’impunité générale pour les crimes commis contre les femmes aujourd’hui et durant le conflit armé. Si la condamnation de Reyes Girón et Valdez Asij ne saurait changer à elle seule les mentalités et résoudre les profondes injustices qui caractérisent la société guatémaltèque, elle serait néanmoins une réelle source d’espoir pour toutes les Guatémaltèques, afin qu’elles recouvrent la dignité qui leur est niée depuis trop longtemps. Pour ce genre de crime, il n’y a ni oubli ni silence et les yeux de tous sont à présent tournés vers la Justice guatémaltèque. Porque todas y todos somos Sepur Zarco.

1. Pauline Matteoni, Six ans d’esclavagisme sexuel perpétré pendant la guerre civile peut-être enfin jugés, Solidarité Guatemala n°211, novembre 2014
2. Concept similaire au « droit d’habeas corpus » dans le lexique juridique français
3. Agence européenne des droits fondamentaux, 2014

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