La situation des droits des femmes au Guatemala est plus que préoccupante. Actuellement, plusieurs projets de lois contribueraient à une sérieuse dégradation de leur protection et à une mise en danger encore plus importante. De plus, les assassinats de deux femmes défenseures des droits humains mayas Ixil en 2018 augmentent le climat de risque et de persécution dans lequel vivent les femmes défenseures autochtones.
Le 2 septembre 2018, juste après l’annonce du président Jimmy Morales concernant le non-renouvellement du mandat de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala - CICG en 20191, la capitale Guatemala Ciudad a été investie par une manifestation « pro-vie » contre l’avortement et contre la reconnaissance de l’identité de genre promue par le groupe « Transformemos Guate » [Transformons le Guatemala], composée d’organisations conservatrices et religieuses.
Des projets de lois qui mettent en péril les droits des femmes
Cette mobilisation s’oppose au projet de loi 5376, qui cherche à dépénaliser l’avortement pour les jeunes filles de moins de 14 ans qui ont été victimes de viol, afin qu’elles puissent mettre fin à leur grossesse dans les 12 semaines suivantes.
Cette marche s’oppose également au projet de loi 5395 concernant l’identité de genre, présenté en 2017 par la députée Sandra Morán, qui visait la reconnaissance juridique des personnes trans. Dite loi garantirait leur droit à l’égalité et à la non-discrimination, la reconnaissance de leur statut dans le domaine juridique, la liberté d’opinion et d’expression, le droit à la vie et à la santé.
Cependant, ces deux projets de lois n’ont pas été approuvés par le Congrès.
Une autre initiative, la « Loi pour la protection de la vie et de la famille » (projet de loi 5272), qui est en cours de débat au Congrès (il manque actuellement le troisième et dernier débat), vise à augmenter la sanction pénale liée à l’avortement. Cette loi permettrait de condamner de 5 à 10 ans de prison les femmes qui seraient victimes d’une fausse couche, c’est-à-dire d’une perte accidentelle du fœtus ; et ceux et celles qui provoqueraient des avortements seraient puni.e.s de 50 ans de prison. En plus de ces peines carcérales plus élevées, la loi interdirait l’éducation sexuelle dans les écoles et réitérerait l’interdiction du mariage entre personnes du même sexe.
De janvier à juin 2018, 1 475 filles âgées de 10 à 14 ans sont tombées enceintes et 310 sont déjà mères.
Le polymorphisme des violences et son impact sur les femmes
Les tendances législatives actuelles contribuent à criminaliser les femmes qui, pourtant, devraient avoir le droit de disposer de leurs corps, hors du système d’oppression patriarcal de la société qui impose un contrôle sur elles. Les courants conservateurs maintiennent les femmes dans une situation de risque sans considérer les variables sociales, économiques, physiques et psychologiques qui touchent chaque femme de façon différente au cours de leur vie.
Face à ce danger de détérioration des droits, les violences continuent. Plus de 20 défenseur.e.s des droits humains ont été assassiné.e.s entre janvier et septembre 2018, dont deux femmes mayas Ixil : Juana Ramírez Santiago et Juana Raymundo. Ces deux assassinats ont eu lieu dans un contexte d’intensification alarmante des agressions contre les défenseur.e.s des droits humains.
Les femmes défenseures des droits humains, par leur condition de défenseures et de femmes, sont doublement touchées par les attaques perpétrées par l’Etat et les groupes dont les intérêts économiques sont menacés par les revendications politiques des populations autochtones. Selon les statistiques publiées en 2017 par UDEFEGUA, 209 agressions sur 463 ont ciblé des femmes défenseures2.
Les assassinats récents de deux femmes défenseures : Juana Raymundo et Juana Ramirez Santiago
Juana Raymundo était une jeune femme maya Ixil, âgée de 25 ans, infirmière de profession, qui, depuis cinq ans, avec sa famille, avait rejoint le Comité de développement paysan CODECA-Comite de Desarollo Campesino. Elle faisait partie de la coordination de la microrégion de Nebaj, Quiché et elle avait été récemment élue membre du Comité exécutif municipal du Mouvement pour la libération des peuples (Instrument politique qui a comme objectif la création d’un Etat Plurinational).
Elle a été séquestrée le 27 juillet 2018 puis torturée avant d’être assassinée. Son corps a été retrouvé le lendemain. Cet assassinat atteste de l’augmentation des réactions violentes contre les expressions sociales locales qui exigent un changement de la structure économique du pays. CODECA est particulièrement visé par cette violence puisque le Comité compte 8 défenseur.e.s assassiné.e.s depuis le début de l’année 2018.
Juana Ramirez Santiago, était une femme maya Ixil de 56 ans, qui a consacré sa vie aux femmes Ixiles, en tant que sage-femme (comadrona) et défenseure des droits humains. Juana Ramirez faisait partie du conseil d’administration de la Red de Mujeres Ixiles et était très active dans la lutte contre les violences faites aux femmes dans cette région.
Juana Ramirez avait reçu de nombreuses menaces avant d’être assassinée par arme à feu le 21 septembre 2018.
Les deux assassinats viennent s’ajouter à l’assassinat du jeune leader du mouvement Justicia ya, Jacinto David Mendoza Toma, le 8 septembre 2018 dans la même région.
Loin d’être des cas isolés, ils reflètent une structure sociétale violente, machiste et raciste qui vise à empêcher la participation et la lutte des femmes autochtones défenseures des droits humains. Les deux femmes mayas Ixiles défenseures revendiquaient les droits de leur peuple, de leur territoire et défendaient les droits des femmes pour exiger la fin de l’impunité et la justice.
1. Collectif Guatemala, Communiqué de presse « Crise politique au Guatemala », 26.09.18, https://bit.ly/2OF9VNA
2. UDEFEGUA, « Pour le droit à defendre les droits », 05.18, https://bit.ly/2RtB1Fn, p. 30