James Anaya, Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains et des libertés fondamentales des peuples autochtones(1), en mission au Guatemala du 14 au 18 juin, s’est rendu dans différentes régions du pays affectées par l’exploitation minière afin d’évaluer la situation des peuples indigènes, particulièrement sur les droits liés au territoire et à la consultation(2), et sur la criminalisation des luttes et des revendications des communautés, avec une attention spéciale pour le cas de la mine Marlin dans les municipios de Sipakapa(3) et de San Miguel Ixtahuacán.
La visite a été sollicitée par diverses organisations et communautés qui dénoncent les violations de droits humains et droits des peuples autochtones et a requis un immense travail de mobilisation de la part de la population et des organisations locales. Environ 30 000 personnes des zones les plus touchées ont accueilli le Rapporteur et assisté aux discours et témoignages exposés.
Témoignages des populations affectées
James Anaya s’est d’abord réuni à Guatemala Ciudad avec des représentants d’institutions de l’État(4). Ensuite, il s’est déplacé dans plusieurs régions où la problématique minière provoque une haute conflictualité sociale : San Juan Sacatepéquez(5), San Miguel Ixtahuacán et Huehuetenango. Les représentants des peuples autochtones ont présenté les luttes qu’ils mènent pour la défense de leurs territoires, se référant régulièrement à la cosmovision maya, au respect de la Madre Tierra et de leurs ancêtres. Ils ont dénoncé le néocolonialisme opéré par les entreprises transnationales et les méga-projets pillant leurs ressources naturelles, et le non respect de leurs droits, notamment celui à être consultés. Lors de ses visites, le Rapporteur a entendu des témoignages directs sur les impacts sociaux, environnementaux et sanitaires de l’activité minière : maladies, pollution des terres arables et des cours d’eau, maisons endommagées, dépossessions de terrains et déplacements forcés, attaques, menaces, harcèlement et assassinats perpétrés contre des dirigeants communautaires et autres autochtones défendant leurs droits, viols et abus sexuels à l’encontre des femmes. A San Miguel Ixtahuacán, la population affectée par la mine Marlin a demandé à James Anaya de plaider devant l’ONU la fermeture de celle-ci. Quelques discours insistaient sur les stratégies de duperie utilisées(6) par l’entreprise Montana Exploradora, ainsi que sur la destruction du tissu communautaire et de la paix sociale –au sein même des familles– qui en résultent.
Inquiétudes du Rapporteur spécial et recommandations au gouvernement
Au terme de sa mission, James Anaya a exprimé lors d’une conférence de presse à la capitale, et dans son rapport d’observations préliminaires(7), sa grande inquiétude au sujet de la situation des peuples autochtones quant à l’exploitation minière. Il dénonce « le climat d’instabilité et de conflit social lié aux activités des entreprises privées dans les territoires traditionnels des peuples indigènes du Guatemala ». A propos des persécutions menées, il affirme que : « les informations reçues sur les différents processus judiciaires ouverts [et la rapidité de leur exécution] contre des membres de communautés indigènes pour des actes de protestation sociale contre les activités des entreprises sont préoccupantes ». Il souligne également que « l’évident manque de réponse aux requêtes des communautés liées aux actes attentatoires à leurs droits » est interprétable comme « une discrimination dans l’accès à la justice ».
D’un point de vue législatif, James Anaya exhorte le gouvernement guatémaltèque à avancer plus vite vers l’approbation de la Loi de consultation, qui devra « respecter les exigences internationales, et ce, avec la pleine participation des peuples intéressés ». Il insiste de la même façon sur l’urgence d’adopter une Loi sur les mines, et d’y inclure pleinement l’obligation de l’État de protéger les droits des peuples autochtones. D’autre part, il recommande comme mesure provisoire « la création d’espaces de dialogue institutionnalisés dans lesquels les peuples autochtones puissent recevoir l’information objective et complète, sur tous les aspects du projet qui les affecte et puissent clarifier et communiquer à l’État et à l’entreprise leurs préoccupations respectives ». Reprenant le discours tenu au cours des différentes rencontres avec la population, le Rapporteur a affirmé prendre au sérieux et être conscient de la situation et a exprimé son désir d’agir, dans les limites de son rôle, pour que celle-ci s’améliore. Concernant la mine Marlin, il a déclaré que « le gouvernement guatémaltèque doit remplir ses obligations internationales et suivre la résolution de la CIDH [Commission inter-américaine des droits de l’Homme] ».
Ces observations préliminaires seront développées dans un rapport final qui sera présenté devant le Conseil des droits humains des Nations unies, et qui comprendra une série de recommandations à l’État du Guatemala ainsi qu’à d’autres acteurs concernés.
« Face à un projet d’industrie extractive qui apporterait uniquement des impacts négatifs, qui affecterait la terre sur laquelle j’ai toujours vécu, qui provoquerait des conflits dans ma communauté, et qui n’amènerait aucune amélioration de mes conditions de vie, moi aussi je dirais non à la mine » affirme le Rapporteur dans son rapport d’observations préliminaires.
1. Des États-Unis et d’origine autochtone, il est le 2ème Rapporteur spécial des droits indigènes. Nommé en mars 2008 par le Conseil des droits humains de l’ONU, il occupe ce poste pour une durée initiale de trois ans.
2. Droit à la consultation des peuples autochtones, Article 6.1 de la Convention de l’OIT, ratifiée par le Guatemala en 1996.
3. On entend par municipio (municipalité) un regroupement de communautés, autour d’un village ou petite ville principale. A Sipakapa, municipio voisin de la mine Marlin, on célébrait ce 18 juin, le cinquième anniversaire de la consultation populaire où 45 738 personnes se sont prononcées contre l’exploitation minière sur leur territoire.
4. Ministère de l’Environnement, ministère de l’Énergie et des Mines, Procureur des droits de l’Homme et Commission présidentielle pour les droits de l’Homme. Lors de cette réunion, Sergio Morales (PDH) rappelait l’enquête ouverte contre le Président de la République Álvaro Colom pour non application des mesures protectrices que la CIDH avait émises deux semaines auparavant. Ces mesures visent à protéger les populations affectées par la mine Marlin, exigeant la suspension des activités de celle-ci.
5. Municipio affecté par la cimenterie Cementos Progreso, projet contre lequel 12 communautés s’étaient prononcées en 2007 lors d’une consultation populaire.
6. Vidéo filmée à San Miguel comportant des témoignages à ce sujet dans un article publié sur le site Internet de la Commission paroissiale paix et écologie.
7. Communiqué de presse et rapport préliminaire en espagnol