Principes et mandat de l’accompagnement international

Qu’est-ce que l’accompagnement international ? Quels en sont les principes et les bénéfices ? Quels sont les fonctions au quotidien d’un accompagnateur, ainsi que les écueils qu’il doit éviter ?

Définition de l’intervention civile de paix par Jean-Marie Muller

  • Intervention non armée sur un terrain de conflit
  • D’une organisation extérieure mandatée (Etat, OIG ou ONG)
  • Venant accomplir des missions d’observation, d’information, d’interposition, de médiation de proximité entre communautés ou de coopération
  • En vue de prévenir ou de faire cesser la violence, promouvoir les valeurs des droits humains et de la démocratie, affirmer les droits de chaque partie et créer les conditions d’une solution politique du conflit.

Le but d’une intervention civile est de « transformer » le conflit de telle sorte que le moyen de sa résolution ne soit plus l’action violente mais l’action non-violente. Dans cette perspective, il ne s’agit pas seulement de faire cesser les violences qui sont les conséquences du conflit mais aussi les violences qui en sont les causes. Ce que Johan Galtung a appelé la « violence structurelle » pour désigner la violence engendrée par les structures politiques, économiques ou sociales qui créent des situations d’oppression, d’exploitation ou d’aliénation.

Accompagnement dissuasif

Observation d’une manifestation de lycéens le 5 juillet 2012
Collectif Guatemala

Il s’agit d’assurer une présence physique lors des réunions ou des manifestations des mouvements qui militent en faveur des droits humains, et de fournir un accompagnement protecteur à des personnes directement menacées du fait de leur engagement dans la lutte pour la justice et la démocratie. Les accompagnateurs peuvent ainsi assurer une présence lors de manifestations de paysans ou de familles de disparus, lors du déplacement de certaines personnalités menacées, lors de réunion de travail entre défenseurs des droits humains, ou encore lors d’exhumations.
Il peut aussi s’agir d’accompagner, dans leur vie de tous les jours ou au tribunal, des victimes d’exactions ou encore d’accompagner des groupes de paysans qui viennent négocier au sujet de conflits liés à l’accaparement des terres. Ainsi, les accompagnateurs deviennent littéralement des « gardes du corps » des militants menacés

Le but de cet accompagnement est de donner l’espace de sécurité nécessaire aux personnes et aux organisations qui agissent pour faire respecter les droits humains. Cette présence continue cherche à exercer une dissuasion à l’égard des acteurs qui voudraient mener des exactions contre ces personnes.
Tout acteur politique soucieux de sa respectabilité internationale doit en effet tenir compte de l’impact que pourrait avoir auprès de l’opinion publique du pays d’origine des volontaires le meurtre de l’un d’entre eux.

L’aura de la protection diplomatique occidentale sur les volontaires

Le pays d’origine des membres d’une mission d’interposition civile conditionne une part importante de l’effet de dissuasion que leur présence sur le terrain peut avoir à l’égard des dirigeants des parties engagées dans la guerre. L’un des facteurs de l’efficacité de la dissuasion d’un corps d’interposition est le degré d’engagement politique du pays d’origine dans le conflit et le pouvoir d’intervention dont il dispose pour exercer des pressions diplomatiques, politiques et économiques sur les dirigeants locaux. Ce modèle de dissuasion est donc « raciste », mais force est de constater qu’en général, la vie d’un Guatémaltèque n’a pas le même « prix », aux yeux des dirigeants locaux, que celle d’un Européen ou d’un Nord-Américain.

Les fonctions de l’accompagnateur

  • Assurer une protection passive, non-violente, désarmée des défenseurs des droits humains en dissuadant d’éventuelles exactions ou actes d’intimidation.
  • Observer la situation du point de vue du respect des Accords de paix et du respect des droits humains, rendre compte de ces observations à la coordination tous les mois par un rapport.
  • Être un intermédiaire entre les communautés / personnes accompagnées et diverses institutions et organismes et ainsi permettre une centralisation et une divulgation de l’information au niveau national et international.
  • Donner un « sentiment de sécurité » aux personnes accompagnées et les soutenir moralement dans leur démarche. Posture de « neutralité bienveillante ».
  • Informer et sensibiliser le public au retour de la mission par toutes sortes de témoignages (articles, conférences, interventions, expositions…)

Entre neutralité et ingérence : un équilibre difficile à réaliser

Les volontaires n’ont qu’un statut de touriste même si les autorités ne sont, en général, pas dupes sur la nature de leurs activités. Trois principes guident, en conséquence, leur action :

  • Neutralité/ impartialité  : Cet aspect est éminemment problématique car il ne s’agit pas de « ne pas faire de politique ». Les accompagnateurs ne se posent pas en « ni pour l’un, ni pour l’autre » mais s’efforcent, au contraire, de prendre parti « pour les deux » ! Les membres d’une intervention civile doivent surtout rester impartiaux et équitables mais pas neutres. Les accompagnateurs ne sont pas solidaires des personnes qu’ils accompagnent. Ils ne s’impliquent pas dans les affaires internes des organisations accompagnées. Ils ne leur fournissent ni ressources, ni matériel, ni même savoir-faire. La présence internationale n’est là qu’en tant qu’observatrice et accompagnatrice afin que les personnes accompagnées puissent effectuer leur travail en sécurité.
  • Non-ingérence : Cet aspect aussi est problématique car l’intervention est en elle-même une ingérence. La justification de cette ingérence proviendrait d’une responsabilité universelle de chaque citoyen à faire respecter les droits humains. En même temps, ce principe reste valable pour les accompagnateurs dans la mesure où ils n’interviennent que sur invitation des acteurs de la société civile qui se sentent menacés, et leur installation dans les pays concernés ne peut se faire sans le consentement au moins tacite des Etats d’accueil. Les volontaires doivent toujours rester dans la légalité. Surtout, leur mission n’est pas celle d’une assistance mais seulement d’un accompagnement des populations civiles locales qui doivent rester seules responsables d’une réconciliation éventuelle.
  • Non-violence : l’action des accompagnateurs est toujours non-violente. D’une part, les volontaires ne sont jamais armés, d’autre part, les associations et personnalités protégées sont toujours accompagnées en fonction du caractère pacifique de leur travail. Cet aspect non-violent doit être affiché clairement de la part de la mission afin d’éviter les réactions de méfiance de la part des populations civiles et de créer un climat de confiance favorisant la coopération.

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