Les directeurs de publication - Isabelle Tauty

J ’ai commencé à écrire pour Solidarité Guatemala en 1993, pour témoigner de la situation des réfugiés et déplacés internes dans l’Ixcán (département du Quiché, à la frontière mexicaine, au nord du Guatemala). Ecrire mon premier article a été une véritable épreuve. Chaque mot, chaque phrase m’ont coûté des heures de travail. D’ailleurs nous n’avions pas d’ordinateur. Il fallait écrire, raturer, réécrire des dizaines de fois pour avoir quelque chose de propre sur du papier que nous faisions parvenir en France par le biais de voyageurs rentrant au pays.

Ce que je voulais c’était comprendre et expliquer. Comprendre les témoignages effroyables des réfugiés sur ce qu’ils avaient vécu. Comment on avait pu en arriver là ? Comprendre la construction de la mémoire et du discours autour de cette période. Pourquoi autant d’enthousiasme autour des activités collectives des réunions, de la prise de parole… ? J’ai appliqué la rigueur de ma formation scientifique à la mise à niveau puis l’approfondissement de mes connaissances. J’ai lu tous les livres que j’ai pu trouver sur l’histoire du Guatemala et de l’Amérique latine, des relations avec les Etats-Unis, sur les processus de Paix naissants en Amérique centrale. Au Guatemala des centres de recherches en sciences sociales comme Flasco ou Avansco publiaient des livres et essais très intéressants, sur le conflit et la reconstruction sociale post-conflit. Puis mes années de travail au Guatemala auprès des acteurs du mouvement social ont fait le reste. J’ai pu côtoyer et accompagner des membres des organisations Mayas, paysannes, victimes du conflit, des groupes de femmes dont l’infatigable militantisme m’a guidé et continue à me guider aujourd’hui.

Cela m’a permis d’être en phase avec le besoin d’analyse de cette période dense et riche en enjeux de tout genre. Au milieu des années 90 le processus de transition démocratique battait son plein et l’élaboration des Accords de paix a généré une nouvelle dynamique au sein de ce que l ’on a appelé la société civile. L’Assemblée de la société civile et la Coordination des peuples Mayas du Guatemala ont commence a travailler et a produire des propositions. En parallèle, la recherche de vérité et la lutte contre l ’impunité mobilisaient les associations de victimes et des groupes de l ’église catholique. L ’URNG déposait les armes et tentait sa mutation en parti politique. Depuis le Guatemala nous produisions, d’abord avec Hugues Cayzac, puis seule par la suite, un rapport mensuel d ’une vingtaine de pages distribues par abonnement en France pour traiter de ce qui se passait. Notre axe de traitement etait la participation et les demandes des organisations militantes guatémaltèques vis-a-vis des institutions internationales. En France, le CG a ouvert des espaces, trouve des appuis politiques, financiers, a permis de tisser des liens entre la France et le Guatemala. Solidarité Guatemala était notre outil d ’animation de réseau.

Mes vingt années de militantisme au sein du CG m ’ont permis de suivre et de participer a plusieurs types de travail d’information, qui continuent aujourd’hui a coexister. L’isolement de certaines régions, au nord du pays, comme l ’Ixcan ou le Petén font qu’il est toujours nécessaire, aujourd’hui encore de briser le mur du silence, de dénoncer et de lutter contre la désinformation. Analyser et faire le lien entre le Guatemala et la France sera toujours notre travail de base. Mais aujourd ’hui s ’impose une nouvelle manière de travailler. L’information pleut de toute part, nous sommes assaillis de communiqués, d’information parcellaire, le Web nous donne accès a l ’info brute en direct, mais produite par qui et pour qui ? Notre nouveau défi est de nous adapter. Il faut faire le tri et produire des documents de référence sur les sujets de solidarité internationale choisis avec nos interlocuteurs guatémaltèques. Il faut continuer a former nos militants sur le terrain à la réalité guatémaltèque. Ne pas se précipiter mais prendre le temps de réfléchir et construire.

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