Entretien avec une défenseure des droits humains

L’Unité de protection des défenseur-es des droits humains au Guatemala (UDEFEGUA) analyse la situation des droits humains, accompagne à leur demande les leaders paysans, syndicaux, étudiants et autres représentants ou intégrants du mouvement social pacifique guatémaltèque et leur apporte sécurité et soutien psychologique lorsque ceux-ci sont menacés. Depuis l’année 2000 marquée par un regain d’agressions commise à l’égard des défenseurs des droits humains, UDEFEGUA répertorie de manière exhaustive les actes d’agression, afin de publier des rapports et créer un suivi. UDEFEGUA entend démontrer que ces agressions sont directement liées à la faiblesse d’un Etat de droit, à l’impunité reine, un contexte très éloigné de celui annoncé dans les Accords de paix signés en 1996.

Magda Chún Simon, travailleuse sociale d’origine maya mam, a travaillé 2 ans à UDEFEGUA jusqu’à décembre 2012.

Magda Chún à Paris. Photo de Louise Levayer
Louise Levayer

Quelle était ta mission au sein d’UDEFEGUA ?
Je travaillais sur le thème de la sécurité, directement avec les organisations paysannes, de femmes, syndicales, etc. en étudiant avec eux les mécanismes de protection personnelle, organisationnelle ou collective. Ma section permettait donc de donner des outils de défense face aux menaces, attaques et agressions des personnes que nous qualifions de défenseurs des droits humains. Je m’occupais aussi de la vérification des cas de personnes suivies et de l’accompagnement des défenseurs dans les procès ou devant les instances institutionnelles, à l’origine ou le plus souvent ne réagissant pas face à ces menaces voire criminalisant les défenseurs en les poursuivant en justice.

Quel rôle jouent les femmes au sein d’UDEFEGUA et des mouvements qui luttent en faveur des droits humains ?
L’équipe est composée de 24 personnes dont 13 femmes. La coordination des projets est majoritairement composée de femmes. UDEFEGUA soutient n’importe quel type de défenseur, il n’y a pas de priorité concernant le genre, cependant il s’est créé au sein de l’organisation un réseau de femmes provenant de différentes organisations, tant nationales que régionales, travaillant pour la défense des droits humains. Cet espace s’est créé car les femmes souffrent d’attaques et de menaces qui touchent directement à leur genre, les rendent vulnérables et peuvent se traduire par exemple par des attaques sexuelles. Au sein de ce réseau, ces femmes se partagent les incidents ou menaces graves dont elles ont été victimes et à partir de cela elles peuvent établir avec l’aide d’UDEFEGUA des mesures collectives ainsi qu’un accompagnement psychosocial ou d’autres types de conseils qui dépendent du cas ou du soutien légal. Ceci a permis à ces femmes d’avoir de meilleurs outils de protection et de défense. Malheureusement lors des derniers mois, il y a eu une augmentation d’assassinats et menaces à l’encontre de ces femmes luttant pour la défense des droits humains. Le rapport d’UDEFEGUA des deux premières semaines de 2013 a comptabilisé 33 féminicides(1), des meurtres qui dans la plupart des cas restent impunis. Dans le cas des assassinats de femmes du mouvement social, il est difficile de dire s’ils sont commis pour leurs activités de défense des droits humains ou pour une autre raison, toujours est-il que les crimes envers les femmes ont augmenté. En 2012, deux défenseures de la lutte en défense du territoire et des ressources naturelles contre les mégaprojets, ont été persécutées, attaquées, menacées et sont criminalisées : Lolita Chavez du Conseil des peuples d’Occident (CPO, organisation des autorités mayas de l’Ouest du Guatemala) et Yolanda Oqueli (leader des communautés en résistance au projet de mine El Tambor à quelques kilomètres de la capitale)(2).

Comment décrire Claudia Virginia Samayoa et son rôle comme coordinatrice générale d’UDEFEGUA ?
Le rôle que joue Claudia implique aussi les attaques et menaces à son encontre(3). Elle-même a été suivie à plusieurs reprises. Son travail et celui d’UDEFEGUA ont été criminalisés notamment par les opposants aux personnes accompagnées, comme les compagnies minières qui nous accusent de soutenir des narcotrafiquants ou des groupes criminels. La ténacité et la personnalité de Claudia sont fondamentales. Grâce à son travail de lutte et de défense des droits humains, elle a acquis une reconnaissance nationale et internationale. Cela lui a permis d’accéder aux espaces institutionnels et de peser dans les décisions des organismes de l’Etat, comme le bureau du Procureur des droits humains (PDH) et le Ministère Public, entre autres. En outre le soutien de la coopération internationale est venu grâce au travail rendu visible d’UDEFEGUA par la publication de ses rapports mensuels, trimestriels et annuels qui répertorient et analysent les attaques, agressions, menaces, et d’une manière plus large, la criminalisation des défenseur(e)s des droits humains suivis par UDEFEGUA.

Pus d’informations sur www.udefegua.gt.org.

1. Feminicidio ou femicidio en espagnol, signifie meurtre d’une femme pour sa condition de femme.
2. Sur Lolita Chavez, lire « Ils nous accusent d’être des terroristes et des usurpateurs ». Sur Yolanda Oqueli, lire l’article « Un conflit minier met en jeu des vies et des moyens de subsistance ».
3. Lire le cas de Claudia Samayoa page 17 du rapport d’Amnesty International « Transformer la douleur en espoir. Les défenseurs des droits humains dans les Amériques ».

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