Hilda Ventura et Mario Ramos participeront à la tournée organisée par le Collectif Guatemala, en représentation des communautés de la municipalité de La Libertad, et de la région de la Laguna del Tigre, municipalité de San Andrés, du département du Petén. Tous deux ont réalisé un important travail de récupération et de compilation de l’histoire du département, notamment sur les résistances et les martyrs de la guerre civile. Aujourd’hui, ce travail de mémoire se poursuit plus lentement, devant l’urgence de nouvelles luttes engagées.
Quelles sont les revendications des communautés aujourd’hui ?
Les communautés continuent de revendiquer d’être reconnues là où elles vivent actuellement, et surtout, exigent l’arrêt des menaces d’expulsion qui constituent leur plus grande inquiétude. Cette situation affecte les familles psychologiquement parce que l’État ne les reconnaît pas légalement, et qualifient les habitants « d’usurpateurs ». Les habitants des communautés exigent que l’État, à travers ses institutions comme le Conseil national des aires protégées (CONAP) et l’armée, cesse les menaces d’expulsion ainsi que la criminalisation et que soient respectés leurs droits. Ils ne veulent plus subir la pression du CONAP pour signer les « accords de coopération »(1).
D’autre part, avant de permettre l’installation de mégaprojets dans le Petén, et spécialement dans la région de La Libertad et San Andrés, l’État du Guatemala doit tenir compte de l’existence des communautés : il est clair que nous n’allons pas tirer profit de ces dénommés « projets de développement ». Au lieu de cela, ces projets, tels que l’exploitation pétrolière ou le projet touristique IV Balam, viennent nous porter préjudice. Pour mettre en place ce dernier par exemple, nous serions sous le coup d’un nouvel aménagement du territoire, ce qui nous inquiète parce que nous terminerions dans les « villes rurales »(2). De plus, ces mégaprojets sont en train de nous priver de terres et surtout de la liberté de développement personnel ou familial. Ils nous soumettent à un système qui ne correspond pas à la façon de vivre des populations paysannes et qui nous appauvrit toujours plus.
Comment a évolué la situation cette année concernant Perenco ?
Avec le nouveau gouvernement, c’est pareil, le seul changement étant le nom du président : les plans continuent. Au lieu de s’améliorer, la situation empire : surtout la remilitarisation de la Laguna del Tigre. En cela, Perenco est un acteur important dans cette région car l’entreprise soutient ou contribue à ce que se développent d’autres problématiques. Ici, on la considère responsable des intimidations et des mauvais traitements de la part de l’armée, puisque l’on sait très bien que l’armée est présente grâce au soutien de Perenco. Le nombre de brigades militaires a augmenté et la pression envers la population s’est aggravée. La présence militaire est une stratégie d’intimidation pour empêcher que les gens s’organisent, pour leur faire peur, et surtout pour intervenir lors d’expulsions forcées, ou quand il y a une manifestation. C’est une entreprise, parmi d’autres, qui est contre la population. Et nous en souffrons les conséquences. Nous exigeons du gouvernement et des entreprises multinationales qu’ils nous prennent en compte et que soient respectés nos droits, qu’ils laissent vivre les gens là où ils sont.
Enfin, nous considérons qu’il y a un impact sur la santé. On note des problèmes de peau anormaux, des réactions allergiques extrêmes, de par la proximité des puits de pétrole, et aussi à cause du gaz qui s’échappe, près des puits et de la raffinerie. Nous observons également de nombreux nouveaux cas d’infections respiratoires et des avortements en plus grand nombre.
Quelles sont vos attentes de votre participation à la tournée en Europe avec le Collectif Guatemala et Ramón Cadena ?
Aller représenter les communautés est un grand engagement que nous allons assumer avec l’objectif d’aller dénoncer la réalité que nous vivons. Ce sera déjà un succès si les gens savent et comprennent ce que nous vivons ici, qu’ils prennent conscience de la situation, car ici c’est très différent de là-bas, les gens croient qu’ici on vit bien mais ce n’est pas vrai.
Nous souhaitons également obtenir des soutiens et réussir à faire pression pour que soient réalisées des recherches sur les effets néfastes provoqués ici par l’entreprise Perenco. En effet, dans notre pays, les portes sont grandes ouvertes pour eux mais ils se moquent de notre existence. Nous pensons que les gens vont prendre conscience, et espérons par la suite pouvoir continuer à exiger justice.
1. Ces « accords » qui sont fixés unilatéralement par le CONAP sont des listes de contraintes que devraient respecter les communautés afin de pouvoir rester librement sur leurs terres. Les habitants refusent de signer ces documents au sujet desquels ils n’ont pas été consultés, en plus de leur caractère non héréditaire (si le signataire de l’accord décède, le terrain n’est pas assuré pour ses enfants).
2. Voir aussi « Les plans de développement du Petén », Solidarité Guatemala n° 194 : il s’agit de concentrer la population dans des « villes modèles », autre mécanisme de contrôle de la population, après avoir supprimé la reconnaissance des hameaux et villages (par la non-reconnaissance des conseils communautaires par exemple).