La main qui gouverne se durcit

Edito du bulletin Solidarité Guatemala 205 (Novembre 2013)

A mi-mandat du président Otto Pérez Molina, la droitisation s’affirme : la justice a fait des avancées qui risquent fort d’être stoppées par le départ et la nomination de nouvelles personnes, et les lieux de fortes résistances aux mégaprojets comme à Barillas ou La Puya sont victimes d’attaques et de criminalisation en constante augmentation dans leur fréquence et leur violence.

Au niveau de l’(in)justice du pays, le 22 octobre dernier, une résolution de la Cour Constitutionnelle (CC) du Guatemala déclarait que l’amnistie pouvait s’appliquer à Efraín Ríos Montt, l’ex-dirigeant de facto jugé au printemps 2013 pour crimes de génocide et crimes contre l’humanité, comme elle s’était appliquée aux anciens combattants des forces armées et de la guérilla. Une fois de plus, le bâton de la peur et de la menace est agité pour signifier qui est aux commandes. Cette décision ne devrait en effet pas être appliquée puisque la juge du nouveau tribunal en charge de la poursuite du procès de Ríos Montt, Carol Patricia Flores, s’est déjà prononcée sur l’impossible application d’une quelconque amnistie pour de tels crimes. Il n’empêche, elle démontre le parti pris qui règne dans les hautes sphères de l’Etat, en s’affichant clairement du côté des bourreaux.

A cela s’ajoute la venue d’un nouveau commissaire à la tête de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), cet organe inédit de l’ONU chargé d’enquêter sur le crime organisé et la corruption au Guatemala, ayant permis d‘élucider de nombreuses affaires. Un Colombien, nommé Iván Velásquez Gómez, au profil intéressant mais briefé pour se contenter de clore les enquêtes déjà en cours, devra mettre fin à la mission de la CICIG dans le pays débutée il y a 5 ans.

La procureure générale de choc, Claudia Paz y Paz, termine également son mandat à la fin de l’année. Aucun doute ne plane malheureusement quant au profil de son/sa remplaçant(e), à mille lieues de cette femme intègre et compétente dans sa fonction à la tête de la justice guatémaltèque. De même, les juges de la Cour Suprême de Justice seront bientôt nommés et la tendance indique qu’ils ne seront pas non plus les porte-voix des opprimés.

En ce qui concerne la lutte pour les terres, comme le rappellent les articles de ce numéro, les bonnes nouvelles succèdent aux mauvaises. Le mouvement ne s’essouffle pas et chaque fois repoussent des graines de résistance. Mais la lutte est rude. A Barillas, l’opposition au projet hydroélectrique a subi de grave revers : arrestations arbitraires, remilitarisation de la zone, assassinats de paysans et relaxe de gardiens de sécurité de la multinationale espagnole poursuivis pour avoir exécuté l’ordre d’abattre ceux qui résistent. A La Puya, c’est la tuerie qui a fait 11 morts dans une communauté en résistance qui a soulevé les cœurs dernièrement. Le gouvernement fait diversion en usant de la sempiternelle excuse du règlement de compte entre gangs, alors même que les liens avec un contrôle policier effectué juste avant paraissent trop évidents.

Malgré tout, un contre-pouvoir est en train de s’affirmer, celui des alcaldias indígenas (mairies autochtones) et des comunidades indígenas (communautés autochtones) au pouvoir d’organisation de la vie communautaire enfin reconnu pour certaines d’entre elles, comme en Ixcán. Ces contre-pouvoirs sont issus des populations mayas, dans le souci des traditions et du respect de la Terre Mère. Elles sont souvent ainsi en opposition à la philosophie de développement dictée depuis la capitale par le pouvoir ladino et tente de recréer l’harmonie brisée entre les Hommes, leurs savoirs ancestraux, la connaissance et le respect de la faune, de la flore et des éléments de leur environnement.

L’espoir est toujours vivace de construire une société du buen vivir (bien vivre) au Guatemala.

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