Après plus de huit mois d’emprisonnement injuste, et grâce à la lutte de leurs avocats, les huit derniers prisonniers politiques de Barillas ont été libérés, le 9 janvier dernier. Victimes de criminalisation de la part du gouvernement et des intérêts privés (qui s’acharnent à entrer sur ce territoire maya Qanjobal,) ils avaient été arrêtés dans d’obscures conditions suite à l’état de siège déclaré le 1er mai, après que soit assassiné Miguel Andrés -et deux personnes blessées- par deux gardes de sécurité privée de l’entreprise espagnole Hidro Santa Cruz, qui construit un barrage hydroélectrique sur la rivière Cambalam*.
Les 17 et 18 janvier, la délégation composée d’ex-détenus politiques, de leaders du mouvement social de Barillas et de leur avocat a rencontré de nombreux acteurs de l’Etat et les représentants d’institutions internationales. Les prisonniers avaient été accusés, à tort, d’être à l’origine de la contestation sociale suivant l’attaque perpétrée par la sécurité de l’entreprise, faits pour lesquels les employés de sécurité sont accusés et en cours de procès.
A l’occasion de réunions en commission parlementaire au Congrès, ou devant les représentants du Procureur des Droits de l’Homme (Procuradoría de los Derechos Humanos) et du Haut-Commissariat de l’ONU pour les Droits de l’homme, la délégation a témoigné des pressions et des menaces constantes, et de la corruption policière et militaire. Ils ont remis une pétition signée par plus de 15 000 personnes de la municipalité de Barillas, réclamant un accompagnement physique et des enquêtes objectives sur la situation des droits humains. La même pétition a également été remise au secrétariat de la Présidence de la République.
Nous avons pu constater l’attention et le soutien apporté par certains députés et les instances internationales. Toutefois, face au comportement de l’Etat, les habitants de Barillas demeurent fortement préoccupés quant à leur situation de sécurité. Les menaces qui pèsent sur leurs vies et leurs familles restent une inquiétude majeure qui n’a pas à ce jour trouvé de réponse satisfaisante.
« Nous vivons aujourd’hui ce que nous vivions à l’époque du conflit armé. L’armée fouille nos maisons, vide les sacs de maïs et de haricots, ils renversent les lits, retournent le linge… ils cherchent des armes. Et les enfants ont peur. Et moi je pleure. L’unique pouvoir réel à Barillas, est aujourd’hui celui de l’entreprise qui achète les services de l’Etat, de la police et de l’armée ». (Leader social de Barillas s’exprimant devant la PDH).
Le 23 janvier, une délégation de parlementaires et sénateurs espagnols, en mission d’observation du respect des droits humains au Guatemala, s’est réunie à Huehuetenango avec des représentants de la résistance de Santa Cruz Barillas. A cette occasion, ils et elles ont pu présenter leurs témoignages sur les violations de droits humains provoquées par l’entreprise espagnole Hidro Santa Cruz S.A., en compagnie de membres de l’association de défense des ressources naturelles CEIBA et de leur avocat Carlos Bezares qui a présenté un exposé sur les cas de détentions arbitraires.
En attendant, plus d’une vingtaine de personnes est toujours sous la menace de mandats d’arrêts et au moins deux personnes sont toujours réfugiées hors de leur foyer. Cependant le peuple est plus que jamais uni, après le retour dans leurs communautés des ex-prisonniers politiques, célébré par des milliers de personnes. Un leader commentait aux députés : « Barillas demande que l’entreprise s’en aille. ».
* Voir brèves dans Solidarité Guatemala 198 et 200 pour plus d’informations sur les sources du conflit.