Guatemala : L’ex-dictateur Ríos Montt reconnu coupable de génocide, une décision historique
Le 10 mai 2013, l’ancien chef d’État José Efraín Ríos Montt a été condamné à la peine maximale de 50 ans pour crimes de génocide et 30 ans pour crimes contre l’humanité. Un total de 80 ans de prison fermes, sans possibilité de sortie et prenant effet immédiatement.C’est la première fois dans l’histoire du continent qu’une sentence pour de tels crimes est prononcée par une cours de justice nationale face à un ex-président.
Le tribunal de Haut Risque de Guatemala Ciudad, présidé par la désormais célèbre juge Jazmín Barrios a validé les témoignages et les expertises avancés depuis le début du procès le 19 mars dernier. La responsabilité de Ríos Montt dans les massacres des populations mayas Ixil entre 1982 et 1983 en sa qualité de président de facto du Guatemala et chef des armées a été prouvée. Rodríguez Sánchez, à la tête des services secrets militaire sous Ríos Montt et accusés des mêmes crimes a quant à lui été absout, sa participation à l’élaboration des plans militaires d’éradication d’une partie de la population maya étant claire mais il n’entrait pas dans ses fonctions de donner les ordres d’exécution.
Lundi 13 mai se tiendra une audience qui traitera de la question de la réparation pour les victimes. Le tribunal fera la lecture intégrale de la sentence vendredi 17 mai.
« Au total, au cours de 27 jours d’audience, 65 experts, la plupart anthropologues légistes, responsables des exhumations et analyses des ossements retrouvés, et 94 survivants maya Ixil ont témoigné devant le tribunal desmassacres commis sous les ordres de l’ex-dictateur. 10 femmes ont également témoigné avec dignité et courage des violations sexuelles systématiques dont elles ont soufferts. » résume Amandine Grandjean, coordinatrice terrain du Collectif Guatemala*, présente au procès.
« Pour en arriver à ce moment historique, il aura fallu attendre 30 ans après les faits, 12 ans depuis le dépôt de la première plainte par l’Association pour la Justice et la Réconciliation (AJR), et essuyer pas moins de 75 recours présentés par la défense », rappelle Amandine Grandjean.
Efraín Ríos Montt, à la tête d’un gouvernement militaire durant la période qualifiée comme la plus meurtrière du conflit armé (1960-1996) et son ancien responsable des renseignements militaires, José Mauricio Rodríguez Sánchez étaient poursuivis pour leur responsabilité dans plus de 15 massacres, au cours desquels sont mortes 1 771 personnes, dans les municipalités de Santa María Nebaj, San Gaspar Chajul et San Juan Cotzal, département du Quiché, commis entre 1982 et 1983.
Ces massacres visaient l’ethnie Maya Ixil de l’Altiplano guatémaltèque. Ils ont été menés par l’armée et les paramilitaires alors contrôlées par Efraín Ríos Montt, depuis son coup d’État du 23 mars 1982. Les massacres systématiques faisaient partie de la stratégie de « terre brûlée » exécutée par l’armée pour « annihiler l’ennemi interne », justifiée par la lutte idéologique globale contre le communisme.
Efraín Ríos Montt est l’icône de cette répression brutale menée lors du conflit armé qui a conduit au total a plus de 200 000 morts ou « disparus forcés », 1 million de déplacés internes, 400 000 réfugiés à l’étranger et rayé quelques 440 villages de la carte entre 1960 et 1996. Son gouvernement de 1982 à 1983 marque les années les plus sanglantes. Pourtant, suite à la signature des Accords de paix en 1996 et pendant plus de 14 ans (de 1998 à 2012), il a continuellement bénéficié d’une immunité garantie par son statut de parlementaire. Pasteur d’une secte évangélique fondamentaliste, il était le leader messianique de la lutte antimarxiste, éternel aspirant à la présidence (comme en 2003 ou il se présentait comme candidat).
« Le mur de l’impunité s’effrite enfin et redonne un élan nouveau à un mouvement social malmené depuis les plus hautes instances du pouvoir civil, économique et militaire », précise Amandine Grandjean. « La justice guatémaltèque, les témoins, avocats et organisations de défense des droits humains, viennent d’écrire une page mémorable dans l’histoire de l’Amérique latine ».
Le Collectif Guatemala accompagne les organisations de la société civile guatémaltèque depuis 1979, et la AJR et CALDH, partie civile au procès, depuis le dépôt de leur première plainte en 2001.
Les mots de Benjamín Manuel Jerónimo, représentant de l’AJR auront marqué ces derniers jours d’audience : « Nous, dans les années 80, peuple Ixil, avons été accusés de terroristes, de communistes, de subversifs, et s’est commis le génocide. Ont été assassinés des enfants, des femmes enceintes, des vieillards sans défense ... Nous sommes accusés de terroristes, de subversifs, de communistes, cependant ce n’est pas vrai, honorable tribunal. Un terroriste ne vient jamais réclamer justice devant les tribunaux, … jamais...Cependant, oui, l’armée était terroriste parce qu’elle a commis le génocide, et des crimes contre l’humanité. Ont disparu des centaines d’enfants, des centaines de femmes ».
Pour plus d’information :
Les coordinateurs et représentants du Collectif Guatemala sont joignables à Ciudad de Guatemala et à Paris pour répondre aux questions.
Pour toute demande, veuillez vous adresser à :
- Marilyne Griffon, présidente du Collectif Guatemala, 06 29 51 64 25, cguatepresse@gmail.com
- Martin Willaume, coordinateur à Paris du Collectif Guatemala, 01 43 73 49 60, collectifguatemala@gmail.com
- L’audio et vidéo du témoignage devant le Tribunal A de Mayor Riesgo, du représentant légal de la AJR, Benjamín Manuel Jerónimo, le 9 mai.
- Vidéo publiée sur le site du quotidien Prensa Libre reprenant la sentence et la réaction des personnes présentes au 27ème et dernier jour d’audience.