Les pas vers la liberté des peuples

Alba Cecilia Mérida est anthropologue, chercheuse, et activiste du mouvement large de défense du territoire au Guatemala. Elle participera avec María Victoria Pedro Mateo à une tournée européenne de solidarité avec les prisonniers politiques guatémaltèques en septembre organisée en France par le Collectif Guatemala.

Un prisonnier politique est défini comme une personne qui, en raison de ses idées, croyances et activités politiques, est privée de liberté et emprisonnée injustement.

Presos politicos libertad

Il s’agit d’une définition simpliste, comme l’indique Christoph Strasser, chargé des questions des Droits de humains et de l’aide humanitaire du groupe parlementaire du Parti social-démocrate allemand (1). Les prisonniers politiques, rajoute Strasser, incarnent beaucoup d’autres questions qui renvoient principalement à la violation des droits humains : parce qu’ils sont privés de leur liberté de penser et d’expression, leurs droits de réunion et d’association sont entravés ; et parce que leur détention se produit pour des raisons purement politiques, sans relation avec un délit de droit commun, mais bien parce qu’ils ont une position politique qui va à l’encontre de celui du gouvernement en place.

Ce qui précède aide à comprendre l’expérience de dix-neuf leaders sociaux venant du Nord de Huehuetenango, qui depuis le 2 mai dernier et jusqu’à ce jour, sont emprisonnés suivant un processus au cours duquel le gouvernement guatémaltèque a commis une série de violations de leurs droits. Leur détention a commencé lorsqu’ ils ont exprimé leur désaccord concernant l’installation d’un projet hydro-électrique dans leurs communautés. Tout d’abord, ils sont privés de leur liberté pour avoir ouvertement exprimé leur désaccord, et avoir demandé le retrait des sociétés telle que Hidro Santa Cruz et de San Luis des municipalités de Santa Cruz Barillas et Santa Eulalia. Comme ces positions et demandes vont à l’encontre des intérêts du gouvernement et des entreprises, le gouvernement d’Otto Pérez Molina a fait usage des forces de sécurité de manière démesurée, et via le système judiciaire il a émis des mandats d’arrêt conduisant les opposants dans des centres préventifs du système pénitentiaire du Guatemala.

Commence alors une des expériences de vie les plus dures qu’un être humain puisse subir, avec sa famille, communauté et organisation : se savoir incarcéré injustement à cause de ses idées et idéaux. Dans la salle d’audience, la majorité des juges, magistrats, procureurs du Ministère public et avocats de l’accusation, faisant un usage rhétorique et retors des lois guatémaltèques, jouent un rôle fondamental dans l’incarcération des prisonniers politiques. Ils leur attribuent des délits gravissimes qui ne prévoient pas de peine de substitution : enlèvement ou séquestration, terrorisme, coercition (pression), menaces, incitation à la délinquance, entrave à l’exercice de la justice, atteinte à la sécurité nationale. Les décisions des juges visent à laisser en prison des citoyens considérés comme « gênées » par les entreprises extractives qui envahissent les territoires. C’est pour cela que les leaders sociaux de Santa Cruz Barillas, de Santa Eulalia et d’autres régions sont des prisonniers politiques.

Les prisonniers politiques de Huehuetenango ont et sont en train de laisser une marque impérissable dans notre manière de comprendre la défense du territoire, la justice, la paix et le développement de nos peuples. Dans leur emprisonnement, il n’y a pas de honte, il y a la dignité, la résistance et des propositions nous pensions aux chemins à ouvrir pour que nos voix soient écoutées par ceux qui détiennent le pouvoir économique et politique au Guatemala. En outre se sont créées de profondes solidarités, et cela nous a permis (pas autant que nous le voudrions) de surmonter les protagonistes et organisations, parce qu’une question est indubitable : avant d’être des prisonniers, ces hommes appartenaient à un mouvement, à un groupe. Mais le fait de se retrouver en prison les fait tous devenir des prisonniers politiques de l’Etat du Guatemala et leur libération a besoin de nous toutes et à tous, car nous partageons quelque chose en commun : notre condition humaine.

Article publié dans Noticias del Corredor, an V, n°16, juin 2015. Traduit en français par Charlotte Roumeguère et Isabelle Tauty.

1.

http://www.derechos-humanos.info/home/quien-es-un-preso-politico-una-definicion/

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