Les femmes de Lumière

Article de Mujeres Ixcheles pour Prensa Comunitaria

La capitale s’est remplie ce 6 mars, de milliers de personnes, parmi lesquelles des milliers de femmes paysannes venues de différents départements, qui, aux côtés de leurs communautés, ont pénétré dans Ciudad de Guatemala à 6 heures du matin. L’objectif en laissant leur quotidien et en allant loin de leur maison était de soutenir les 27 personnes des différentes communautés ayant signé le recours en anti constitutionnalité de l’Accord Gouvernemental 145-2013 émis par le gouvernement le 3 avril 2013 et proclament d’urgence nationale de Plan d’expansion du système de transport de l’énergie électrique (PET) et le Plan d’électrification rurale (PER)(1).

Photo de Cristina Chiquin pour Mujeres Ixcheles
Cristina Chiquin

De ce fait, la Cour Constitutionnelle a réalisé une audience publique où ont été écoutés les délégués des communautés représentés par les 27 personnes signataires et leurs avocats Ramon Cadena(2) et Rafael Rodríguez de la Serna, membres de la Commission Internationale de Juristes.

Au cours de cette audience, les communautés ont demandé aux magistrats d’agir de manière impartiale et que le processus soit correctement suivi, ainsi que de légitimer le droit des peuples autochtones à défendre leurs terres, leur autonomie, et de garantir les consultations telles qu’établies dans la constitution et les accords internationaux signés par le Guatemala.

Photo de Cristina Chiquin pour Mujeres Ixcheles
Cristina Chiquin

Les femmes et leur réalité

La survie est une lutte de chaque jour pour des millions de femmes dans le pays, la recherche du bien-être familial et communautaire Ce bienêtre est menacé et brisé par le développement de mégaprojets tels que des entreprises hydroélectriques, des entreprises minières, entre autres maux qui ne cesse de devenir plus complexe chaque jour dans le pays.

Photo de Cristina Chiquin pour Mujeres Ixcheles
Cristina Chiquin

Ces entreprises transnationales sont soutenues par le gouvernement, lequel avec un discours faux promet de l’emploi, de l’électricité, du développement. Mais la réalité est bien éloignée de toutes ces promesses.

Nationalisation de l’énergie électrique

Une des demandes exprimées par les femmes durant cette mobilisation est la nationalisation de l’énergie électrique, étant donné que son prix devient chaque plus élevé.

« Chez moi je reçois des factures de 200 quetzals (20€) et nous n’avons ni télévision ni réfrigérateur. »

Le service d’énergie électrique a été privatisé avec le gouvernement d’Alvaro Arzú, en dépit des promesses qu’avec la privatisation de ce service il y a aurait la lumière dans tous les régions du pays, le résultat a été tout l’opposé. La mauvaise qualité du service et les tarifs élevés sont parmi les raisons du mal-être de la population, auxquelles s’ajoutent le coût élevé de la vie et les menaces à l’encontre du territoire des communautés.

« Je suis maman, et grand-mère, mes filles travaillent à la montagne jusqu’à 18h au péril de leur vie, et ce qu’elles gagnent ne suffit pas, le maïs est cher, c’est pour ça que nous manifestons aujourd’hui, pour que le prix du panier moyen baisse ».

Photo de Cristina Chiquin pour Mujeres Ixcheles
Cristina Chiquin

Une autre femme de lumière, qui est venue à la mobilisation, m’a raconté alors qu’elle regardait l’entrée de la Cour Constitutionnelle

« Le prix de la lumière continue d’augmenter, le temps passe et ça augmente… nous, nous sommes des paysannes, nous ne travaillons que pour manger, nous n’avons pas d’autres revenus, et cela nous affecte parce que nous en pouvons pas payer  ».

Ce sont leurs voix, leurs visages qui parlent aujourd’hui, qui demandent justice, respect. Et il ne s’agit pas seulement des tarifs élevés, c’est la menace faite aux territoires, c’est la criminalisation des luttes et la persécution que nous vivons tous, hommes et femmes, dans tout le pays.

Une vague d’énergie de femmes

Les femmes sont affectées directement et indirectement par le processus de lutte pour leurs droits et pour la défense du territoire, alors que les services de base vont en s’amoindrissant, des entreprises transnationales et nationales essaient de déloger les communautés de leur territoire afin d’agrandir leurs mégaprojets.

Des plans comme l’électrification rurale et l’Accord 145-2013 qu’on essaie d’établir attentent à la propriété individuelle et aux droits ancestraux des peuples.

Photo de Cristina Chiquin pour Mujeres Ixcheles
Cristina Chiquin

Les projets hydroélectriques qu’on essaie d’installer dans le pays sont un exemple de l’imposition, de la négation de faire valoir les consultations populaires de Buena Fe, et du peu de volonté du gouvernement à faire valoir les droits humains, les droits de la femme, et les peuples autochtones mettent en avant sa complicité avec les transnationales et l’oligarchie du pays.

Face à cette imposition, les femmes ont été confrontées à un chemin difficile, au cours duquel elles ont été signalées, poursuites, criminalisées, elles ou leurs familles. Des états de siège, instaurées dans des départements comme Huehuetenango sont la preuve de la répression que le gouvernement exerce contre la population et du fait qu’il défend des entreprises transnationales comme Econoer Hidralia Energía/Hidro Santa Cruz.

Ce sont les femmes de lumière, celles qui doivent se confronter et lutter conjointement avec notre peuple, cependant ce sont également les femmes celles qui sortent dans la rue, promeuvent l’organisation communautaire et opposent leurs corps aux forces d’oppression.

Ce sont elles qui avec leur accompagnement, leur organisation, leur corps et leur vie défendent leur communauté. Mères, sœurs, adolescentes, jeunes filles, grands-mères inondent de lumière leurs communautés, tandis qu’elles se confrontent au système qui non seulement les criminalise pour leur lutte, mais également pour être femmes.
C’est comme ça que ces femmes de lumière, avancent parfois silencieusement, parfois en ayant dans le fond de la gorge le cri du peuple, sous le soleil, portant sur leurs épaules et dans leurs besaces la fermeté de leur lutte, elles portent avec elles la certitude de la vie, de la terre et de la communauté.

1.À ce sujet, voir MATTEONI Pauline, « L’électricité oui, mais à quel prix ? », Solidarité Guatemala 209.
2.Voir : http://collectifguatemala.org/_Ramon-Cadena_

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