La lutte pour les droits des femmes autochtones : retour sur la tournée organisée par le Collectif Guatemala

A l’occasion de sa tournée annuelle de défenseur.e.s de droits humains, le Collectif Guatemala a eu l’honneur de recevoir Juana Sales Morales à Paris, du 29 novembre au 4 décembre 2019.

Juana est une femme maya mam défenseure des droits humains à la tête d’un mouvement des femmes autochtones, Movimiento de Mujeres Indigenas Tz’ununija’ (MMITZ).

Le MMITZ est un mouvement national de femmes autochtones fondé en 2008 autour duquel sont articulées environ 80 associations locales (soit environ 3500 femmes). La création du MMITZ a été une étape fondamentale dans la lutte des droits des femmes autochtones pour faire respecter leurs droits. Il s’agit d’un mouvement reconnu au niveau national et international.

Il travaille sur plusieurs axes, tels que la formation juridique et politique ; la réalisation d’enquêtes sur les violations des droits humains souffertes par les femmes autochtones ; des actions de plaidoyer locales et internationales et enfin il revendique le droit à la souveraineté alimentaire des femmes autochtones. Il défend, promeut et exige le respect des droits des femmes autochtones dans leurs accès aux services sociaux, l’accès à la justice et à la participation politique.

Le Collectif Guatemala s’est engagé à accompagner des femmes défenseures des droits humains sur le terrain et pense qu’il est important de saisir les situations des violations des droits envers les femmes autochtones. Pour cette raison, la tournée a été centrée sur le sujet des femmes défenseures des droits humains.

Les objectifs de cette tournée ont été multiples : dénoncer les violations des droits humains dans le cadre des conflits socio-environnementaux autour des mégaprojets et ses conséquences sur les femmes défenseures des droits humains ; dénoncer le difficile accès à la justice pour les femmes autochtones et les violences commises par des acteurs divers et sensibiliser le public français aux enjeux autour de la défense des droits humains.

Juana a rencontré des nombreuses institutions (Barreau des avocats, MAE) et médias (RFI, Radio Libertaire, Radio Parleur) pour parler de ces sujets. Nous avons également organisé une rencontre qui portait sur les regards croisés entre Guatemala, Mexique, Canada et Etats-Unis concernant les violences faites aux femmes autochtones et les formes de résistances pour les combattre.

Dans le cadre des rendez-vous avec les institutions Juana a mis l’accent sur le danger qui courent les femmes défenseures des droits humains, souvent menacées et harcelées en tant que femmes par des acteurs tant publics que privés. Le racisme, imbriqué au sexisme et discrimination de classe, entraine des violences institutionnelles importantes et difficiles à combattre. En effet, l’accès à la justice s’avère extrêmement difficile pour les populations autochtones, notamment les femmes. Le système de justice guatémaltèque est très burocratique et difficile d’accès, les tribunaux sont géographiquement éloignés, le personnel de justice ne fournit pas un service culturel adéquat [1], il n’existe pas d’indépendance judiciaire et le système est imprégné de corruption, car dépendant des pouvoirs politiques en place.
Cela se traduit notamment par une forte criminalisation [2] que vivent les dirigeant.e.s autochtones dans le cadre des conflit pour la défense de leurs droits fondamentaux, notamment du territoire et de modes de vie différents de ceux imposés par l’Etat guatémaltèque.

Malgré les garanties juridiques prévues par la loi et les obligations internationales émanantes des traités signés par le Guatemala, les peuples autochtones et les femmes en particulier sont confrontés à des obstacles d’ordre pratique et idéologiques qui les empêchent d’accéder à une justice conforme à leurs droits.

Le Guatemala est en train de vivre un moment sombre de son histoire avec une dégradation importante des droits et de la démocratie, accentuée par la disparition de la Commission Internationale Contre l’Impunité au Guatemala (CICIG) [3] en septembre 2019 après le refus de son renouvellement par l’ancien président, Jimmy Morales. La crainte actuelle est que le Haut Commissionnât aux droits humains disparaisse aussi en tant que garant des droits de la population guatémaltèque.

Les institutions françaises rencontrées se sont montrés solidaires avec la situation au Guatemala, et ont exprimé leurs préoccupations concernant la régression des droits et libertés fondamentales que vit le pays depuis des années.

Lors de l’événement du 2 décembre 2019, nous avons eu l’honneur d’entendre parler Juana et nos camarades Aurélie du Comité de solidarité avec les Indiens d’Amériques (CSIA-Nitassinan) et Gaspard et Virginie du Comité de Solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte. La salle était bien remplie et les interventions ont généré de nombreuses questions et échanges.

Nous remercions chaleureusement Juana et nos camarades pour avoir partagé avec nous ce moment d’apprentissage mutuel qui nous motive énormément pour continuer nos combats.

Un grand merci à l’équipe du Collectif Guatemala, toujours prête à accueillir nos camarades défenseur.e.s des droits humains et apprendre des luttes de là-bas et d’ici.

La lucha sigue !

[1Ils sont censés fournir un service dans les (23) langues autochtones parlés au Guatemala, prévu par la « Ley de Idioma », adoptée en 2003

[2En 2018 : 26 assassinats de défenseur.e.s des droits humains, 145 faits de criminalisation, 94 faits d’intimidation (Rapport 2019, Udefegua)

[3Organisation indépendante née d’un accord entre le Guatemala et l’ONU en 2006. Elle est en charge d’assister les autorités guatémaltèques dans la lutte contre le crime organisé et la corruption.

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