L’arrivée au Guatemala de trois nouveaux accompagnateurs

Début juillet, trois accompagnateurs recrutés par le Collectif Guatemala ont rejoint le projet Acoguate, grâce au soutien du Service volontaire européen (SVE). Cyril et Clémence resteront sur le terrain jusqu’en décembre et Pau s’est engagé pour neuf mois à nos côtés. Passés les premiers émois de l’expatriation et de la découverte de leur mission, ils présentent, chacun à leur façon, leurs impressions en ce début de nouvelle vie.

Mission d’observation d’une cérémonie de commémoration du massacre de la Libertad, Ixil. Photo de Cyril Benoit

Cyril Benoit, 25 ans, accompagnateur dans l’équipe Ixil

Il y a un mois de cela, je quittais Paris pour le Guatemala pour une mission de six mois en tant qu’accompagnateur international. A ce moment,-là malgré mon intérêt long de plusieurs années pour le continent latino-américain et la préparation intense que nous avait fournie le Collectif Guatemala, je n’avais qu’une idée imprécise de la situation et du travail qui m’attendaient. Cependant, dès mon arrivée je fus pris dans le tourbillon guatémaltèque : après seulement un jour libre pour mettre au point les derniers détails de l’installation, Clémence, Pau et moi commencions notre formation à l’accompagnement. Histoire et contexte actuel du pays, système judiciaire, règles de sécurité… c’est de façon intense que nous avons découvert notre future mission et nos camarades venus des différents comités composant ACOGUATE.

D’autant plus intense que nous arrivons dans une période troublée et inquiétante : quelques jours avant notre départ, deux accompagnateurs des Brigades Internationales de Paix (PBI) s’étaient vus révoquer leur permis de résidence temporaire et assigner un délai de dix jours pour quitter le pays. Témoignage de la volonté du gouvernement de renforcer la répression contre les défenseur-es des droits humains et du territoire, amenant nos organisations à redéfinir le rôle et les méthodes de l’accompagnement.

A l’issue de cette semaine a été levé un grand doute existentiel, celui de mon affectation ! Pour moi, l’aventure commencera au sein de l’équipe mobile, basée à la capitale, avant de se poursuivre dans la région Ixil. Au sein de cette première équipe, j’ai pu me familiariser avec la multiplicité et la complexité des luttes menées dans le pays : celle pour la justice historique avec des femmes mayas poqomchi’ victimes du conflit armé, ou encore le combat des paysans de la communauté Santa Elena Samanzana II pour le respect de leur droit à la terre.

Ce premier mois a donc été riche en expériences et découvertes, celles d’un pays aux profondes inégalités, où, malgré les difficultés et les menaces, la population ne cesse de lutter pour faire respecter ses droits. Ce sont ce courage et cette détermination qui m’inspirent aujourd’hui et seront le moteur de mon engagement en tant que volontaire !

Commune d’El Jute en juillet 2014. Photo de Pau Dachs

Pau Dachs, 26 ans, accompagnateur dans l’équipe Huehuetenango-San Marcos, « Des vies en résistance »

Dès que je suis arrivé au Guatemala, j’ai pu écouter des fragments d’histoires de dizaines de vies en résistance. Ce sont des existences marquées par des agressions perpétrées ou tolérées par l’État, dans tous les domaines quotidiens. Le faible système de justice est souvent complice de ces menaces, en veillant à l’impunité des crimes du conflit armé et en alimentant la criminalisation des défenseur-es du territoire avec des arguments impartiaux et sans preuves. Toutefois, la résistance a réussi à connaître quelques triomphes.

À El Jute, une petite commune du département de Chiquimula, à l’ouest du pays, un massacre perpétré par l’armée en 1981 a été jugé en 2009. La sentence a condamné 8 disparitions forcées. Pendant ma courte participation au sein de l’équipe mobile d’ACOGUATE, j’ai rendu visite à des témoins de ces crimes. Bien que la vérité des faits ait été admise par les institutions, les corps de ces disparus n’ont pas encore été récupérés. De plus, un deuxième procès pour détention illégale, viol et torture reste ouvert. Jour après jour, la lutte contre l’impunité et la résistance face à la douleur de ces traumatismes persistent.

Au début du mois d’août j’ai rejoint l’équipe régionale de Huehutenango-San Marcos et je me suis rendu à Barillas. Dans cette commune de terres riches entre les montagnes, près de la frontière nord du pays, la menace est latente. Le projet hydroélectrique d’Hidro Santa Cruz, propriété de l’entreprise espagnole Hidralia, a été imposé en 2008. Après l’incendie des équipements de l’entreprise et après un état de siège déclaré en mai 2012, aujourd’hui les travaux sont arrêtés grâce à la mobilisation des opposants. Mais le projet est là, et les dégâts de ces sept années sont énormes : des familles sont frappées par les détentions arbitraires, l’intimidation et la criminalisation, des systèmes de répression qui rappellent ceux des années 1980. En outre, une nouvelle lutte est imposée dans les foyers des détenus, des ex-détenus et des accusés : la lutte pour survivre face à des revenus familiaux et un état de santé souvent très détériorés à cause de ces processus pénaux.

Clémence en accompagnement lors d’un trajet en barque. Photo de Clémence Minet

Clémence Minet, 25 ans, accompagnatrice dans l’équipe Ixcán

Début juillet, nous prenons un nouvel envol avec Cyril et Pau, direction le Guatemala. Cet envol est le point de départ de la découverte d’un nouveau pays, avec son histoire, sa culture, et ses luttes sociales. Autant d’éléments qui vont me permettre de mieux comprendre le pays dans lequel je vais évoluer pendant les 6 prochains mois, de mieux saisir le contexte actuel du Guatemala.

A notre arrivée, nous rencontrons l’équipe d’ACOGUATE, et notamment les autres volontaires avec qui nous partagerons notre vie au quotidien ainsi que nos expériences de travail. Equipe haute en personnalités et multiculturalité, marquée par des tonalités différentes d’espagnol en fonction de nos origines et de notre lieu d’apprentissage de cette langue, cette équipe semble toutefois unie et animée par la même volonté et les mêmes espérances d’une meilleure application des droits humains au Guatemala.

Aussi, après 10 jours de formation à la capitale, composée de divers ateliers sur l’histoire du pays, la conflictivité locale, la sécurité, et le rôle de l’accompagnateur, l’heure a sonné de partir pour ma région : l’Ixcán. L’actualité principale de ma région concerne le projet de construction du barrage hydroélectrique Xalalá que de nombreuses communautés rejettent au regard des conséquences désastreuses que ce projet pourrait avoir sur leurs lieux de vie, c’est-à-dire aussi bien sur leurs maisons que sur leurs terres cultivables.

Nous rendons donc visite principalement aux familles engagées dans cette lutte et nous continuons également à rendre visite aux communautés de « retornados » [« retournés » de l’exil] du conflit armé. Ma première sortie a été le lieu des premiers échanges avec les familles, des premières découvertes culinaires, des premiers apprentissages de mots en Q’eqchi et surtout de ma première confrontation aux récits des témoins et survivants du conflit armé, survivants qui aujourd’hui continuent de faire face à une agression étatique, au travers de l’implantation de ces mégaprojets sur leurs terres. Toutefois ces hommes et ces femmes semblent rester guidés par une seule et même philosophie : la lutte pour la vie.

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