Interview d’Anselmo Roldán Président de l’Association pour la Justice et la Réconciliation (AJR)

Cette interview a été réalisée dans la région Ixcán par Agathe Duvignau et Clémence Minet lors de leur visite au Président de l’AJR. L’objectif était de recueillir ses impressions suite à la suspension du procès pour génocide le 5 janvier 2015, mais aussi de connaître les perspectives de l’AJR, partie civile au procès pour génocide et crimes contre l’humanité, comme lors du procès de 2013.

Anselmo Roldán, photo de Upside Down World

Vous avez été présent à l’audience du 5 janvier 2015 pour la reprise du procès pour génocide à l’encontre d’Efraín Ríos Montt et de José Mauricio Rodríguez Sánchez. De nombreuses personnes sont venues mais n’ont pu rentrer ni dans la salle d’audience, ni même au sein du tribunal. Pouvez-vous nous décrire l’ambiance qui régnait dans la salle ?

Anselmo Roldán (AR) : Il était important que l’audience ait finalement lieu le 5 janvier. J’ai été surpris par l’émotion causée par la décision de rouvrir le procès, car les gens avaient très envie de savoir si le procès allait à nouveau être ouvert ou non. Honnêtement, nous ne pensions pas qu’autant de monde viendrait. Tout le monde était enthousiaste, mais la majorité des personnes qui se sont mobilisées et déplacées ont dû rester dehors. En tant que représentant légal de l’AJR, je me trouvais à l’intérieur, mais j’étais gêné car je souhaitais que tout le monde rentre, comme durant le procès de 2013. Nous ne comprenons toujours pas pourquoi l’audience n’a pas eu lieu dans la Grande Salle ! Il s’agit d’une violation du droit de chacun d’écouter et de participer au procès. Nous analysons cela comme un échec des juges, mais il en va aussi de la responsabilité des médias, qui ont occupé tout l’espace et bouché la vue de ceux qui étaient à l’intérieur.

Que pensez-vous de l’absence de Ríos Montt en début de journée, puis de la décision de la juge de l’obliger à se présenter ? Quelle est votre opinion finalement sur la récusation de la juge Jeannette Valdés [présidente du Tribunal de Risque majeur B] ? Comment interprétez-vous la stratégie de la défense ?

AR : Nous pensons que la stratégie de la défense du Général Ríos Montt consiste à retarder le procès. C’est une honte de le faire passer pour malade, ainsi qu’un affront, non seulement vis-à-vis de la justice guatémaltèque, mais aussi envers toutes les victimes. Au début de la journée, la décision de la juge de l’obliger à se présenter nous est apparue plutôt favorable. Toutefois, la récusation de Jeannette Valdès à la fin de l’audience nous laisse penser que tout ceci a peut-être été planifié à l’avance. Les juges ont-ils reçu des menaces ? Jamais nous n’aurions pu imaginer ce qui s’est produit. Alors que nous nous interrogions sur le fait de savoir si le procès allait reprendre ou non, il en a été tout autrement. Il est évident que la défense ne souhaite pas que tout ce qui s’est passé durant le conflit armé soit porté à la connaissance de tous, et encore moins qu’une condamnation soit prononcée !

Quelle a été la réaction des témoins et partisans présents à l’audience ?

AR : Ce qui s’est passé est regrettable. À présent, nous attendons une réponse. Or, aucune nouvelle date ne nous a été donnée, un peu comme si cela ne les intéressait pas. Nous nous inquiétons de l’état des témoins. Cependant, tout était prêt pour le 5 janvier, tout est documenté et nous persisterons jusqu’à ce que justice soit faite.

Quelles seront les prochaines étapes pour l’AJR ?

AR : Nous devons donner une suite à cela. Ils nous ont déjà nié le droit à la Justice en 2013. Si le scénario se répète, nous aurons tous les éléments pour porter notre plainte devant la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme.

Que pensez-vous de la déclaration du Président Otto Pérez Molina, qui s’est prononcé en faveur de l’amnistie pour Ríos Montt ?

AR : C’est soit une stratégie politique, soit de l’ignorance. Ríos Montt ne pourra jamais être amnistié, et ce pour deux raisons. Premièrement, le Guatemala est signataire de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide. Deuxièmement, ce ne sont pas de crimes politiques dont il s’agit, ce sont des crimes contre l’humanité : le décret de 1986 qui prévoit une amnistie ne peut donc pas s’appliquer dans ce cas. Par ailleurs, le Président a dit que la présence des personnes de diverses nationalités durant l’audience exerçait une pression sur les juges, alors que, bien au contraire, cette présence vient renforcer la Justice au Guatemala et permet que les lois s’appliquent. Ce n’est pas de la pression, c’est de l’observation !

Pour conclure, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

AR : J’aimerais lancer un appel au peuple du Guatemala afin qu’il ne se fasse pas surprendre. Le code pénal guatémaltèque prévoit une sanction dans les cas de génocide. Et génocide, il y a eu, pas uniquement dans la région ixil, mais dans l’ensemble du pays. De nombreux peuples mayas en ont souffert, et c’est pourquoi il doit y avoir une condamnation à l’encontre de tous ceux qui ont participé à ce génocide, et pas uniquement de Ríos Montt.

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