Du nouveau chez les accos

L’engagement de vingt ans du Collectif Guatemala au projet d’accompagnement international ACOGUATE s’est poursuivi cette année. Presque un vétéran, Enrique a récemment quitté le projet après un an passé sur le terrain. La relève ne s’est cependant pas fait attendre avec l’arrivée de Maria Paola puis de Kim. Relève qui aura été de courte durée pour Maria Paola, mais pour la bonne cause car elle a été sélectionnée pour être la nouvelle de communication et intégrer la coordination d’ACOGUATE. Merci, félicitations et bon courage respectivement et tout à la fois à Enrique, Maria Paola et Kim !

(photo : Kim Aumonier)
Kim Aumonier

Une perspective étrangère : mon passage dans le monde du Popol Vuh du XXIème siècle

Enrique Vidal, accompagnateur dans l’Equipe mobile puis à Huehuetenango

Quitter physiquement un pays n’est pas facile. En fait, on ne le quitte jamais ! Des sentiments, des visages et des paysages nous suivent à chaque pas qu’on fait en quittant ces frontières qui ne devraient même pas exister.

Je suis resté un an au Guatemala, de novembre 2014 à novembre 2015. J’y ai eu l’opportunité d’accompagner différentes communautés dans tout le pays, où à chaque fois j’ai découvert que l’individu n’existe pas en tant que tel, mais où la personne, aussi bien que la nature, doivent être placées au service de la vie pour que le monde soit une maison universelle, dans la diversité des cultures. Mes apprentissages sont nombreux et très variés, j’y ai appris la force de sourire après n’importe quelle situation. J’y ai aussi compris ce qu’est la véritable lutte pour la défense de la dignité humaine, au-delà même du discours international dominant (“politiquement correct”) des droits humains.

Avec l’accompagnement international, nous avons le privilège de rencontrer et de partager notre temps et notre empathie avec des personnes qui ont la volonté de rendre visibles les causes et mécanismes des violations de la dignité humaine dans un pays comme le Guatemala. Mais nous avons aussi le privilège d’accompagner les revendications sociales vers de possibles solutions aux conflits provoqués par différents acteurs locaux et internationaux.

Plus concrètement, nous accompagnons dans des “territoires” (façon dont les peuples autochtones le revendiquent) qui sont menacés par une politique économique dominante et raciste (voire hégémonique), promue par des gouvernements, des organismes internationaux et des entreprises locales et transnationales, qui essayent d’imposer l’exploitation indiscriminée de la nature à des populations ancestrales, au détriment de la santé, de la dignité et du vivre-ensemble de ces dernières, tout cela au nom du développement. C’est dans ces contextes que la justice devient un élément préalable à la paix, et pas seulement un discours de bonnes intentions.

S’il n’y a pas de solution isolée contre ces violences, il n’y a pas non plus d’effort possible au niveau individuel pour la paix. Une défenseure de Huehuetenango (département au nord-ouest du Guatemala) nous dit que nous faisons partie d’un tissu de solidarité, pour rendre possible, surmonter les inégalités et les injustices par lesquelles le système dominant actuel est soutenu.

Effectivement, nous sommes là comme une toute petite partie et pendant peu de temps, dans un univers de diversité humaine. Nous jouons un rôle insignifiant mais indispensable, c’est-à-dire stratégique. Nous sommes là pour une motivation de solidarité, mais qui essaie quand même de ne pas être paternaliste, d’être légitime vis-à-vis de l’autre. Ainsi, sur la base de l’accompagnement physique et de l’accompagnement politique, je pense que nous sommes un pont pour dissuader et pour faire connaître de (possibles) violences contre des personnes, des organisations et des peuples qui ont la solide conviction du vivre-ensemble dans l’égalité, la volonté de poursuivre la justice du passé et du présent, ainsi que d’améliorer la vie de toute personne et de tout peuple. C’est une lutte revendicatrice actuelle au but véritablement universel et qui a beaucoup de chose à nous apprendre au-delà des frontières.

En chemin pour visiter les communautés de l’Ixil
Kim Aumonier

Premières impressions du Guatemala

Kim Aumonier, accompagnatrice dans l’équipe Ixil

Difficile d’ordonner toutes les impressions, émotions, sensations ; les paysages, les couleurs, les sons ; les rencontres et les discussions déjà accumulées en seulement un mois au Guatemala. Après deux semaines de formation et réunions à la capitale, me voilà partie dans la région Ixil, que les militaires avaient définie comme cible principale lors du conflit armé. Nous y accompagnons avant tout les témoins du procès pour génocide.

Avec Lisa, ma binôme, nous arrivons dans les communautés pour rendre visite aux personnes que nous accompagnons en pleine période de récolte du maïs, l’aliment de base pour les Mayas. Levées avant 5h du matin, elles ont de longues journées de travail : il faut sauver le maïs avant qu’il ne pourrisse à cause de la pluie.

Les images du procès pour génocide diffusées dans la presse internationale donnent l’impression que cette lutte se restreint à la Capitale et au Tribunal de justice. Elles ne montrent pas que pour les témoins, les voyages jusqu’à Ciudad de Guatemala, qui durent parfois bien plus de 5h dans des microbus et des camionetas sur des routes chaotiques, font perdre des jours précieux de travail, dans la milpa ou ailleurs.

Depuis la première dénonciation contre Ríos Montt en 2001, près de quinze ans se sont écoulés. Le procès pour génocide rouvrira le 11 janvier 2016. Cela signifie de nouveaux longs voyages et de nouveaux sacrifices par rapport aux nécessités, obligations et tâches familiales et quotidiennes. Malgré cela, les témoins réitèrent leur énergie et leur courage : la stratégie de la défense de Efraín Ríos Montt et Mauricio Rodríguez Sánchez de retarder le procès en déposant des centaines de recours ne viendra pas à bout de la détermination de celles et ceux qui demandent vérité et justice. Parfois très âgé.e.s, ils et elles souffrent des maux de la vieillesse, de maladies, des séquelles des tortures qu’ils ont subies lors du conflit armé. Mais, au contraire de Ríos Montt qui a été jugé inapte mentalement à assister au procès qui s’ouvre en janvier, les témoins feront tous les efforts nécessaires pour venir témoigner de nouveau et prouver que « sí, hubo genocidio ».

Loin des centres urbains, l’information d’une « guerre » en France est arrivée aux oreilles des personnes à qui nous rendons visite. Lorsqu’elles réalisent que dans tous les conflits opposant l’Etat islamique à d’autres Etats, les premières victimes sont de nouveau des civil.e.s innocent.e.s, un voile de tristesse et de souvenirs cauchemardesques passe sur leur visage, et leur empathie me donne les larmes aux yeux.

Je ne peux alors m’empêcher de m’interroger sur leur rêve de « nunca más ». Etre accompagnatrice internationale et observatrice de paix c’est, je crois, accepter que l’optimisme et le pessimisme s’entrechoquent à chaque instant.

(photo : Kim Aumonier)

D’une expérience à l’autre

Maria Paola Montisci, ex-accompagnatrice en Ixil et responsable de la communication d’ACOGUATE

Cela fait déjà trois mois que je suis de retour au Guatemala, un pays que je connais depuis trois ans, ayant réalisé d’autres tâches dans la coopération internationale. Mais cette fois, mon retour était différent. Après une pause de six mois en Italie où j’ai pu embrasser ma famille et mes amis, j’attendais avec impatience - et avec un grand désir - de vous impliquer dans mon nouveau plan de vie, dans un pays certes en partie connu, qui me ferait découvrir des aspects que seules de la patience et une analyse profonde permettent de comprendre. Cette fois, je recommence donc avec le Collectif Guatemala comme accompagnatrice, avec une petite surprise : mon affectation dans la région Ixil. J’ai dû marcher beaucoup avec mon partenaire, mais aussi eu le privilège d’entrer dans l’intimité de vies qui ont résisté avec dignité et courage à des pages tristes de l’histoire de leur pays, qui ont conduit à la rupture du tissu social, et qui sont en quête de justice, pour laisser un héritage constitué par une mémoire collective.

Depuis mon arrivée, j’ai eu la chance de participer à la sélection pour le poste de responsable communication d’ACOGUATE et coordinatrice de l’équipe mobile...et d’être sélectionnée ! Me voilà donc avec de nouvelles responsabilités, des tâches et des défis pour mon avenir dans l’accompagnement international ! Je continue pour l’instant à vivre un peu comme les premiers jours de ma formation « acco » : sentir un « tetris » se composant au fil du temps, un assemblage de pièces pour la construction de nouvelles choses.■

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