Comprendre la crise politique de janvier 2019

Un auto-coup d’Etat est en cours au Guatemala. Voici quelques clés de compréhension (non exhaustives) des événements récents.

Jimmy Morales
Photo : FIDH

Le 31 août, le président Jimmy Morales a annoncé qu’il ne renouvellerait pas le mandat de la Commission internationale contre l’impunité (CICIG), qui prendra donc fin en septembre 2019. La CICIG est un organisme d’enquête indépendant appuyé par les Nations Unies qui travaille sur le crime organisé. Lors de sa déclaration, Jimmy Morales a déployé des véhicules armés fournis par les États-Unis pour intimider les partisans de la CICIG, les plaçant devant l’ambassade des États-Unis, les organisations guatémaltèques de défense des droits humains et la CICIG. Quelques jours avant, le ministère public guatémaltèque et la CICIG avaient annoncé des accusations de corruption contre Jimmy Morales.

Le 18 décembre 2018, le gouvernement a révoqué le visa de courtoisie de onze fonctionnaires de la CICIG et de leurs familles. Cette décision a été annulée par la Cour Constitutionnelle. Cependant, en janvier 2019, un enquêteur de la CICIG, Ylsen Osorio, a été détenu pendant 23 heures par les autorités de l’immigration à l’aéroport international La Aurora, alors qu’il tentait d’entrer au pays. Il a finalement pu entrer dans le pays après l’intervention de la Cour constitutionnelle et avec l’appui du ministère public.

Le lundi 7 janvier, le président Morales a unilatéralement fermé la CICIG, outrepassant ses pouvoirs. En effet, le président ne peut pas fermer une agence créée par un traité ratifié par le Congrès. La Cour constitutionnelle a ordonné la réintégration de la CICIG. En réponse, Jimmy Morales a tenté de destituer la Cour Constitutionnelle.

Tout cela s’est produit à peine 10 jours avant l’ouverture de la campagne électorale pour les élections de 2019, prévues en juin. La présence de la CICIG pendant les élections aurait limité l’influence du crime organisé dans le processus électoral. Après que Morales se soit retiré de l’accord le 31 août, conformément aux dispositions du traité, la CICIG aurait fonctionné tout au long des élections, son mandat se terminant en septembre 2019. La fermeture illégale et sommaire de la CICIG par Morales vise à protéger l’influence des réseaux criminels sur les élections.

Le 10 janvier, les magistrats de la Cour suprême de justice (CSJ) du Guatemala, la plus haute instance de contrôle des recours non constitutionnels, ont décidé de mettre en accusation trois des magistrats de la Cour constitutionnelle. C’est la dernière nouvelle d’une crise croissante du gouvernement constitutionnel au Guatemala, que l’on peut maintenant qualifier d’auto-coup en cours.

Le raisonnement présenté par la CSJ reproduisait exactement le discours de Jimmy Morales lors de sa conférence de presse de lundi, à savoir que la Cour constitutionnelle ne peut pas faire de politique étrangère. En réalité, c’est la Cour constitutionnelle qui décide si les actions de l’exécutif, y compris celles liées à la politique étrangère, sont constitutionnelles. La décision de la CSJ n’est pas une décision fondée sur la loi, mais sur l’influence de réseaux criminels qui ont pu influencer la CSJ.

Le jour même où la Cour constitutionnelle a statué que, étant donné que la CICIG avait été créée par un traité ratifié par le Congrès, le Président Jimmy Morales n’avait pas le pouvoir de mettre fin unilatéralement et sommairement au mandat de la CICIG, comme il l’a fait le 7 janvier. Le 10 janvier, la CSJ a examiné deux demandes de destitution de magistrats de la Cour constitutionnelle. L’une a été rejetée, l’autre a été acceptée par un avocat ayant des liens étroits avec le régime militaire d’Efrain Rios Montt de 1982-1983. Au moins une autre demande de mise en accusation est en instance.

Concernant le processus de destitution qui a été approuvé, l’affaire va maintenant être renvoyée au Congrès et 105 membres doivent voter pour la destitution. Nous savons qu’ils ont au moins 80 voix, mais il se peut qu’ils puissent obtenir la totalité des 105 voix.

La demande de destitution qui a été rejetée avait été déposée contre sept magistrats de la Cour constitutionnelle par un avocat - Mario Pasarelli - qui était conseiller de Mauricio Bonilla dans le cadre de la décision concernant la mine San Rafael. La Cour constitutionnelle a mis 425 jours pour statuer sur une plainte déposée par des communautés autochtones Xincas touchées par la mine d’or de San Rafael selon laquelle elles n’avaient pas été consultées comme la loi l’exige, la longueur du processus étant largement due aux pétitions déposées par la société minière. La Cour constitutionnelle s’est prononcée en faveur des communautés et a conclu que la mine devait cesser ses activités jusqu’à ce que la consultation ait eu lieu. Mauricio Bonilla est incarcéré au Guatemala pour corruption, mais il est également recherché en extradition pour trafic de drogue à Washington, DC.

Source : Guatemalan Human Rights Commission USA
Pour les hisponophones, ici un résumé chronologique des faits par Nomada

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